lundi 30 août 2010

Aux origines d'un certain regard 29 Août 2010 Par Benjamin Stora

Aux origines d'un certain regard
29 Août 2010 Par Benjamin Stora
Le retour sur l'histoire permet d'intervenir dans les méandres du présent... La leçon est bien connue, encore faut-il sans cesse la mettre en œuvre, au risque de succomber au culte de la nouveauté perpétuelle et de l'étonnement conduisant au désarroi politique. Depuis le discours de Grenoble de l'été 2010 une politique répressive se développe, de l'expulsion des Roms aux propositions de déchéance de la nationalité française. Une situation qui renvoie à des souvenirs d'histoire troublants, non ceux de la politique vichyssoise, mais à ceux qui précèdent l'application de cette politique funeste du début des années 1940.
Dans la séquence des années 1930, une politique xénophobe a touché les étrangers, et parmi eux une population particulière, les premiers Algériens en France. Ils étaient tout en bas de l'échelle sociale (beaucoup travaillaient comme manœuvres en usine ou terrassiers), sans statut juridique particulier. Ils n'étaient pas français, car les Algériens musulmans venant d'un territoire, pourtant considéré comme départements français, n'avaient pas accès à la citoyenneté française ; ils n'étaient pas étrangers, car « l'Algérie c'était la France » ; ils n'étaient pas des « sujets », comme d'autres coloniaux venant de l'Indochine ou du Maroc....
Ces « hommes invisibles » vivaient à la périphérie des grandes villes, dans des conditions misérables. Particulièrement exposés aux coups des gouvernements ou d'une administration voulant satisfaire des couches xénophobes de la société française, ils étaient presque cent mille en 1939. Leur nombre exact était ignoré, l'immigration algérienne n'existant pas dans les souvenirs de cette époque, semblant démarrer trente ans après, pendant la guerre d'Algérie.
Une campagne de presse dans les années 1930 se développe contre les étrangers, touchant aussi les Algériens : «Désordonnée, mal vêtue, malpropre, sans hygiène, toute une plèbe s'empare des rues et se réfugie dans les établissements interlopes », s'exclame le député Raymond Laquière du haut de la tribune de l'Assemblée nationale en 1928. L'Action française renchérit : « Partout ils ont le même aspect sordide, le même visage inquiétant[1]. » Les journaux de droite, qui s'inquiètent des progrès des nationalistes algériens dans l'immigration, titrent sur « l'incendie révolutionnaire préparé via Paris par des moyens étrangers ».
Dans le Paris de l'entre-deux-guerres vont surgir tous les clichés qui survivront tenacement.
Les Algériens sont généralement jugés comme des individus indésirables dont la présence menace l'ordre public, l'équilibre de la population française et engendre « l'insécurité , thème dominant». Autre thème, celui de l'hygiène. Pierre Godin, influent conseiller municipal de Paris dont le fils André deviendra en 1932 directeur des services policiers de la rue Lecomte, note dans un rapport dressé en 1933 : « La syphilis, c'est pour les Nord-Africains, la lèpre d'aujourd'hui. Ils en sont atteints, héréditairement, presque partout. » Par leurs déplacements à travers la capitale, les Algériens diffuseraient le mal au sein de la population, apparaissant ainsi comme de dangereux agents de propagation microbienne. Il faut donc circonscrire le mal. P. Godin encourage à cet effet, dès 1927, la constitution d'un hôpital très particulier. Un hôpital exclusivement pour les musulmans car, selon lui, l'Algérien est un malade différent, difficile en raison de ses mœurs, sa religion, sa langue.
Cet isolement a un avantage financier : « En se modelant sur la vie musulmane, qui est sobre, le régime de l'hôpital revient à meilleur compte. » Le 11 juillet 1929, le conseil municipal de Paris vote la départementalisation de l'hôpital et approuve le projet de statuts, les plans, les devis et le choix d'un terrain départemental situé à Bobigny. En dépit de l'opposition de la municipalité, le 9 juillet 1930, le conseil général de la Seine adopte définitivement ce projet.
En mars 1935, l'inauguration de l'hôpital a lieu. Le personnel infirmier est formé dans une école spéciale créée en 1932, où il reçoit des notions d'arabe dialectal, de kabyle, de géographie et d'histoire du Maghreb. En 1934, 50 infirmières sont prêtes à exercer dans un hôpital spécialement conçu dans l'optique du traitement des maladies transmissibles, grandes infections (tuberculose...), maladies vénériennes. Comme pour accompagner ce projet, le 12 juin 1937 s'ouvre, toujours à Bobigny, un cimetière musulman.
A partir de 1923, se construit aussi progressivement, avec l'accord du ministre de l'Intérieur, le « Service de surveillance et de protection des indigènes nord-africains », pour assister, contrôler et ainsi mieux surveiller la communauté algérienne. Ce service ouvre le 15 juillet 1925 dans les locaux d'une ancienne école, au 6, rue Lecomte, dans le XVIIe arrondissement, sous l'autorité du préfet de police et prend le nom de Brigade nord-africaine (37 agents et officiers de police). Il intègre les services dépendant des commissariats, des mairies, des préfectures, des ministères pour mieux « rechercher et discerner parmi les Algériens la mauvaise graine qu'il faut séparer du reste du contingent. Il faut que nous les surveillions de façon que du Nord de l'Afrique ne viennent pas dans Paris des éléments de trouble et de meurtre. La police est faite pour cela», note un rapport de 1934.
Mais dans cette période de l'entre-deux-guerres, ces « immigrés » si exposés trouveront la force de s'organiser en construisant la première organisation indépendantiste algérienne, l'Etoile nord-africaine (ENA). C'est en effet à Paris qu'est lancée cette association, avec l'appui des communistes français[2], revendiquant l'indépendance pour l'Afrique du Nord. C'est à Paris qu'est montré pour la première fois le drapeau vert et blanc de l'Algérie, frappé du croissant rouge, au cours de la manifestation du 14 juillet 1935 qui annonce la constitution du Front populaire. C'est en banlieue parisienne, à Nanterre, en mars 1937 que le Parti du peuple algérien (PPA), véritable continuateur de l'ENA alors dissoute par le Front populaire, voit le jour. C'est à Paris, enfin, que se retrouvent les leaders des grandes organisations nationalistes maghrébines : Messali Hadj pour l'Algérie, Habib Bourguiba pour la Tunisie, Ahmed Balafredj pour le Maroc, lors d'une réunion organisée par la gauche de la SFIO en avril 1937.
Vichy viendra, ensuite.
Les Algériens descendent également dans les rues de Paris, manifestent les 14 juillet 1935 et 1936, se rendent en cortège au mur des Fédérés au cimetière du Père-Lachaise. Salles, parcours traditionnels de manifestations, lieux symboliques ; ils évoluent par leur démarche militante dans le décor du Paris populaire des cris, des révoltes. C'est par l'engagement politique et syndical qu'ils découvriront une autre France, généreuse et fraternelle... Mais les campagnes xénophobes se poursuivent, avec une série de lois en 1938, qui prévoient, entre autres, les expulsions massives d'étrangers ou le durcissement d'accès à la nationalité française. Dans son rapport au Président de la République sur les étrangers, en date du 12 novembre 1938, Edouard Daladier le Président du Conseil, écrit :
« Il importe, en effet, d'enlever à l'accession à la nationalité française son caractère trop «automatique»; ici plus qu'ailleurs, il convient de faire le partage entre les bons éléments et les indésirables qui, pour être exclus de notre territoire, ne doivent évidemment pas pouvoir s'intégrer dans la collectivité française. 
Cette préoccupation nous a également amené à simplifier la procédure de déchéance de nationalité, car, si notre législation se montre des plus libérales pour attribuer aux étrangers la qualité de Français, il importe que les autorités responsables aient à leur disposition des moyens prompts et efficaces pour retirer notre nationalité aux naturalisés qui se montreraient indignes du titre de citoyen français ».

Puis, Vichy viendra, ensuite, à peine deux ans plus tard....
Benjamin Stora. Site : http://www.univ-paris13.fr/benjaminstora/


[1] Sur ces arguments, voir Ralph Schor, L'Opinion française et les étrangers en France, 1919-1939, Paris Publications de la Sorbonne, 1985.
[2] Les Algériens nationalistes vont rompre avec le PCF à partir de 1929, date de la première dissolution de l'ENA par les autorités françaises

Invention sécuritaire et violence pure: appel à une éthique de la résistance

Invention sécuritaire et violence pure: appel à une éthique de la résistance
26 Août 2010 Par Pascal Maillard
Edition : Les invités de Mediapart
Pascal Maillard*, qui conduit des recherches sur les rapports entre littérature et politique à l'université de Strasbourg, propose une réflexion d'ensemble sur «l'insécurité et la xénophobie d'Etat». Face à la «violence pure» du gouvernement, il appelle à «une éthique de la résistance».
 
A Toni Gatlif, aux « Bohémiens en voyage », à tous les sans-papiers,
                           « Aux captifs, aux vaincus !... à bien d'autres encor ! »
 
 
Peu le voient. Certains commencent à le soupçonner. La chose transpire dans maintes analyses, mais n'accède pas à une formulation directe, comme si cette vérité devait demeurer forclose en raison de sa monstruosité. Comme si au cœur de cette évidence il y avait un vide impensable. Il est urgent pourtant d'en formuler au moins l'hypothèse et d'en interroger la validité : le premier agent de l'insécurité, de la xénophobie et de la violence est devenu aujourd'hui notre gouvernement, leur principal producteur notre Etat, leur premier responsable notre président.
C'est un fait unique dans l'histoire de notre République finissante : un homme a inventé l'insécurité et la xénophobie d'Etat comme stratégie de gouvernement et arme politique. Il les a inventées et mises en œuvre méthodiquement, intentionnellement. Non seulement comme un moyen de reprendre la main quand les plus graves soupçons pèsent sur le sommet de l'Etat et sur le parti majoritaire, non comme une simple « diversion » circonstancielle et communicationnelle en période de grave crise économique et sociale, mais bien comme un continuum idéologique et une pratique politique destinée à asseoir et conserver un pouvoir qui nous fait sortir un peu plus chaque jour de la légalité républicaine, des règles démocratiques et du respect de nos institutions.
Les théories d'une rupture politique ou d'un virage récent vers l'inadmissible - « durcissement », « radicalisation », lit-on un peu partout - sont aujourd'hui insuffisantes. Sarkozy et ses conseillers ont inventé l'insécurité programmatique, l'insécurité comme programme électoral et projet politique. Ni diversion, ni dérive, mais une ligne idéologique, un choix délibéré, pensé et assumé, un système avec des fondamentaux puisés directement dans la pensée de l'extrême droite, avec son langage propre, son révisionnisme de l'histoire, son gouvernement par la peur et cette violence pure qu'il faut bien commencer à penser afin d'identifier ce contre quoi nous avons à nous battre.
On ne lira pas dans les quelques réflexions qui suivent un déni d'insécurité. Le problème social, politique, économique est bien là. Il est même criant, toujours en attente de véritables solutions malgré la vingtaine de lois[i] relatives à la sécurité promulguées depuis 2002 sous la responsabilité directe de notre actuel président et dont on est en droit de douter de l'efficacité. Mais les cris de souffrance dans les quartiers difficiles sont aujourd'hui inaudibles, masqués par la doxa sécuritaire et xénophobe que véhiculent des médias dont la pratique quotidienne est de relayer la peur, la bêtise et la haine distillées par l'Etat et sa machine sécuritaire.
1. Un gouvernement d'exception et des silences coupables
Le débat sur l'identité nationale lancé à l'automne dernier par Eric Besson n'a certainement pas été l'échec qu'on a dit. Même critiqué par les médias, décrié par les politiques, il a fait son œuvre dans l'opinion et a largement et volontairement préparé un espace de réception favorable aux propositions irresponsables et scandaleuses de ce sombre été 2010, un été d'exception où un quart du gouvernement a été sur le pont de l'insécurité. Aussi n'a-t-on pas suffisamment remarqué que ce sont pas moins de quatre ministres qui ont porté récemment un discours guerrier et violent sur l'insécurité, comme si tout ministère de ce gouvernement Fillon finissant brûlait ses dernières cartouches en s'arrogeant la compétence de traiter des questions de sécurité : Christian Estrosi, qui voulait punir les maires du haut de son ministère de l'Industrie, Eric Besson ministre de l'Intégration, de l'Identité nationale et du si mal nommé Développement solidaire, Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la Famille et d'une singulière Solidarité, qui accuse Marianne de salir les valeurs de la République et soutient le projet d'enfermement des parents défaillants, et bien sûr Brice Hortefeux qui fait oublier sa condamnation pour injure raciale en première instance par une hyperactivité estivale au service d'un vaste programme de démantèlement des camps de Roms, d'arrestations et d'expulsions des minorités les plus fragiles.
Ce discours à multiples détentes, savamment préparé et orchestré, a été encore relayé par quelques fidèles députés de l'UMP, dont son Secrétaire général, Xavier Bertrand, qui apporta son soutien à la proposition ubuesque de Christian Estrosi et renchérit dans Nice Matin en proposant une mesure frontiste : « remettre des gardes » aux frontières de l'Europe. Ce dispositif gouvernemental, lancé et étayé idéologiquement par le sinistre discours de Grenoble, permettrait à lui seul d'asseoir la thèse d'une xénophobie d'Etat. Mais la pertinence du concept  tient à ce que le traitement politique de la sécurité repose principalement, et depuis fort longtemps, sur un discours des plus hautes autorités de l'Etat qui stigmatise les minorités étrangères et certaines catégories de Français issus de l'immigration, au risque - avec la volonté  - de dresser les Français les uns contre les autres.
Les puissants médias dont Sarkozy s'est attaché les services, et quelques sondages, devenus des instruments de formatage de l'opinion bien plus que des outils d'analyse, parachèvent un dispositif qui apparaîtra à certains, avec un peu de recul, comme le plus gros coup de poker politique du quinquennat : recomposer le paysage de la droite française en la déportant vers son extrême, préparer 2012 sur les terres d'une nouvelle droite nationaliste, populiste et xénophobe, et au passage faire oublier les scandales financiers, la réforme des retraites, diviser le PS, autant de manœuvres qui seraient en passe de fonctionner très bien si de nombreuses voix ne s'élevaient enfin contre cette basse manœuvre politicienne. Mais rien ne nous assure un quelconque recul de Sarkozy - tout au plus sera-t-il tactique ou de façade - et le prix à payer de ce coup politique est déjà incommensurable : un renoncement aux valeurs premières de la République.
Face à cette déferlante de discours et de propositions, tout aussi ineptes et assurément inefficaces les uns que les autres, des silences sont consternants, que nul ne pourra oublier : Fadela Amara, Rama Yade, Bernard Kouchner et Frédéric Mitterrand mangent le chapeau de leurs dernières convictions - s'il leur en reste - et sombrent dans un renoncement coupable en manquant à leur devoir élémentaire de démission. Le silence de Michèle Alliot-Marie, bien plus grave, a une autre portée : nous attendions de notre ministre de la Justice et des Libertés qu'elle se portât garante de l'indépendance de la justice et du respect du droit. Il n'en fut rien. Son comportement dans l'affaire Woerth-Bettencourt a été très bien exposé dans divers articles de la rédaction de Mediapart[ii].
Pour ce qui est de la défense des libertés, il est à craindre que les citoyens démocrates attendent longtemps l'exercice de cette responsabilité ministérielle, quand bien même le droit à la libre expression serait bafoué par l'Etat lui-même : la condamnation récente[iii] de cinq militants du Réseau Education Sans Frontières (RESF) nous apprend qu'une simple comparaison historique entre la situation présente et la période de Vichy est désormais assimilable à un délit d'opinion. Il est vrai que les poursuites pour outrage aux autorités se multiplient depuis deux ans. Eric Fassin le signalait déjà dans une Lettre au Président[iv] en juin 2009. Il est aussi vrai que « comparaison n'est pas raison », comme disait Etiemble, mais priver le penseur comme l'homme ordinaire de tout droit à l'association d'idée nous fait entrer directement dans le monde de Big Brother. Tel député UMP projetait récemment d'encadrer la liberté de la presse. Le sommet sera-t-il donc atteint quand tel autre zélateur de l'Etat-UMP proposera sérieusement l'établissement d'une censure légale?
On le voit suffisamment : les événements politiques de ces derniers mois sont d'une gravité jamais atteinte depuis les débuts de la cinquième République. La thèse d'une radicalisation tactique d'un gouvernement en difficulté et d'un président aux abois semble ne pas devoir souffrir la contradiction. Ce serait ignorer un peu vite le système idéologique fort qui conditionne la stratégie sarkoziste depuis de longues années et qui cimente des pans entiers de sa politique. Il permettrait de lire dans les événements récents un développement logique bien plus qu'une diversion ou un virage opportun et cynique.
 
2. Un continuum idéologique
Il y a une extrême cohérence et un continuum idéologique fort du sarkozisme et de sa praxis politique. Elle est avant tout celle d'un homme et de quelques proches, la micro-société des conseillers de l'Elysée. Elle est davantage une pratique empirique et instinctive de la politique qu'une idéologie : la provocation, le coup de force, le putsch permanent. L'idéologie advient cependant par la force d'inscription de cette pratique politique dans l'opinion. Le relais intellectuel des nouveaux réactionnaires et autres Anti-modernes a fait son œuvre. Le sujet mériterait plusieurs ouvrages de science et d'histoire politiques. De sociologie aussi. Je limite volontairement ma réflexion à quelques rappels de notre histoire récente et à la formulation de trois impostures.
Depuis cinq ans au moins Nicolas Sarkozy a ancré continument la problématique sécuritaire dans la question de l'identité nationale en lien avec l'immigration. Le tournant, si tournant il y a, est déjà ancien. Il date de 2005. Les analystes et les journalistes qui soutiennent la thèse d'un virage estival et d'une radicalisation récente ont la mémoire courte. L'année 2005 n'est pas uniquement celle du « Kärcher » et de la « racaille », ces violences verbales et provocations volontaires élevées au rang de technique de gouvernement et qui joueront un rôle certain dans le déclenchement des émeutes de l'hiver 2005.
Le ministre de l'Intérieur qui a pris ses fonctions juste après le Référendum se singularise aussi par trois types d'action qui caractérisent sa ligne de conduite politique jusqu'à ce jour. Tout d'abord l'intrusion du pouvoir de l'Intérieur dans le champ de celui de la Justice, allant jusqu'à bafouer la règle de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice. C'est bien sûr l'affaire Nelly Cremel qui vaut à Sarkozy un rappel à l'ordre du Premier ministre de l'époque, Dominique de Villepin, suite à une demande de sanction d'un juge prétendument trop laxiste. Ensuite la stigmatisation des minorités et l'amalgame entre immigration illégale et jeunes des banlieues. C'est le discours[v] musclé aux préfets du 9 septembre 2005 dans lequel Sarkozy exige une fermeté exemplaire contre tous ceux qui mettent en cause la sécurité des« Français » : « en premier lieu les gens du voyage, les jeunes des banlieues, les immigrés illégaux ». Déjà les « gens du voyage » ! Mais au passage, souvenons-nous que les Roms les avaient précédés comme toutes premières victimes de la politique du jeune ministre de l'Intérieur, dès 2002 et 2003. Je renvoie à l'article[vi] très précis et bien documenté de Caroline Damiens qui avait reconstruit en avril 2005 la sombre histoire des débuts de Sarkozy. Pour en revenir à 2005, l'injonction aux préfets sera suivie par les « rafles de sans-papiers menées au petit matin, avant le départ des enfants à l'école », lesquelles témoignent, selon Alain Gresh dans un article du Monde Diplomatique,« de l'enthousiasme que le ministre a su faire souffler dans les préfectures ». Cet « enthousiasme » n'a pas faibli malgré la longue lutte des associations de soutien aux sans-papiers. Enfin, troisième étape : l'ordre d'expulsion du territoire français de tous les étrangers condamnés pour violences urbaines. 68% des Français y sont favorables, selon le sondage IPSOS du 16 novembre 2005 pour Le Point. Le bilan est éloquent et témoigne déjà du primat des mots sur les actes : 597 personnes incarcérées mais une seule expulsion. Ce bilan est aussi éloquent sur l'implication des étrangers dans les émeutes. Nul doute que les résultats seront en 2010 bien meilleurs avec l'apport des Roms.
La succession provocation (insultes), stigmatisation (désignation de boucs émissaires), répression (incarcérations-expulsions) suffit à établir le degré de responsabilité de l'Etat dans la production de la violence et le processus de ce que je nomme l'invention sécuritaire. Ne se sont passées que peu d'années depuis 2002 sans que ce schéma ne se répète à l'initiative de Sarkozy ministre ou président.
Après la grande loi de 2006 sur l'immigration et l'intégration qui restreint considérablement les droits des étrangers, facilite et intensifie les expulsions de sans-papiers et les reconduites à la frontière, après la loi sur la prévention de la délinquance de mars 2007 qui institue la détection du trouble du comportement chez les plus jeunes enfants et autorise une sortie sur les liens entre délinquance et génétique, une seconde étape est franchie en 2007 avec l'élection à la présidentielle et la création du ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. L'invention est unique dans une République : l'association de l'immigration et de l'identité nationale dans un ministère constitue une institutionnalisation d'un lien dont il faut rappeler qu'il appartient au Front National depuis le début des années 80. Les fondamentaux idéologiques du sarkozisme en matière de sécurité n'appartiennent-ils pas en propre à l'extrême droite ? La question mérite d'être posée. Elle permettrait de réviser un peu notre grille de lecture des cloisonnements idéologiques. La question du glissement d'une frange majoritaire de l'UMP à l'extrême droite ne se pose pas. Elle existe de fait. En tout état de cause, nous posons que c'est l'existence de ce ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale et le lien qu'il institue qui conduisent logiquement aux propositions du discours de Grenoble.
Quelle serait alors la nature du tournant de cet été 2010, sa spécificité? Je pense profondément qu'il est simplement le suivant : l'habillage républicain de l'Etat-Sarkozy est en train de tomber. Le roi a choisi de marcher nu. Car il a choisi d'exposer dans son discours de Grenoble ce qu'il savait majoritairement acceptable par l'opinion publique en fonction de sondages antérieurs. Il sait aussi en son for intérieur tout ce qu'il a accompli comme travail sur l'opinion depuis 2002, une opinion aujourd'hui suffisamment imbibée par la xénophobie d'Etat pour qu'elle accepte le principe de la déchéance de la nationalité. La relance de l'expulsion des Roms ne serait dès lors que la pilule destinée à mieux faire passer la première. Hortefeux prépare ses amendements et décrets. Le seul obstacle est la Constitution et son Conseil. Mais combien de fois Sarkozy a-t-il poussé le Conseil Constitutionnel dans ses retranchements ?
On doit enfin s'interroger sur les causes de la forte perméabilité de l'opinion au sarkozisme. Elles sont bien sûr très nombreuses et très complexes. Je n'en relèverai qu'une seule. Il me semble que le tour de force de Sarkozy est d'avoir rendu efficiente une triple imposture qui travaille en profondeur l'opinion publique et qui exige aujourd'hui, en retour, un long et patient travail de déconstruction. La première imposture est de faire croire que la France est malade d'une insécurité chronique sans causes, sinon celles de l'immigration et des minorités d'origine étrangère. La seconde est de faire croire que l'insécurité régresse - la manipulation des chiffres est permanente - en passant son temps à souffler sur ses braises et en justifiant in fine qu'une guerre s'impose. La dernière est de faire croire que lutter contre certaines minorités, les Roms en ce moment, est une mesure efficace contre l'insécurité. L'imposture se transforme en faute historique et éthique, s'il existe encore une once d'éthicité de la politique. Coup de génie d'un politicien habile, diront certains. Ce n'est certainement pas la politique d'un homme d'Etat.
 
3. « Liberté, Egalité, Tsigane »
En s'en prenant à la minorité des Roms, à tous ces « Bohémiens en voyage » célébrés par les écrivains, des poètes romantiques à Guillaume Apollinaire en passant par Baudelaire, le pouvoir touche les boucs émissaires des boucs émissaires, les oubliés de la déportation, non seulement les centaines de milliers de tsiganes exterminés par les nazis, mais aussi ces milliers d'autres que Vichy a parqués dans des camps innommables et que la France a laissés enfermés encore un an après la libération. En stigmatisant tous ceux auxquels Toni Gatlif a rendu, cette année même, le si bel hommage de son film Liberté (Entretien avec Toni Gatlif "Liberté, Egalité, Tsigane"[vii]), ce pouvoir cynique, sans mémoire, sans culture, rempli de tant de bêtise et de haine, prive un peuple symbole de liberté de ce qui fonde son identité : le choix d'une vie nomade, la liberté de déplacement que garantit encore pour un temps l'Union Européenne. Qu'il le fasse au moment même où des artistes et des historiens commencent à travailler à la reconnaissance de la responsabilité de la France dans l'enfermement et la mort de milliers de Roms, ne peut que remplir de honte tout citoyen qui a encore un peu de culture et d'humanité.
Car notre Etat s'en prend sciemment aux plus fragiles, aux plus vulnérables. Il sait ce qu'il fait en stigmatisant la minorité des Roms : les préjugés restent malheureusement très forts dans l'opinion publique à l'encontre des Roms et des gens du voyage, quelle que soit leur nationalité. Il sait donc très bien ce qu'il fait en associant volontairement « Roms » et « gens du voyage ». Nicolas Sarkozy sait également ce qu'il fait en reproduisant et en complétant la chaîne associative de 2005 entre insécurité, délinquance, immigration, Roms et gens du voyage. Il ne sait peut-être pas ce qu'il produit culturellement, éthiquement, donc politiquement au sens noble du terme : une faute inadmissible et une monstruosité. Une faute de mémoire, une faute historique dont le gouvernement actuel, son Premier ministre bien longtemps silencieux et aujourd'hui consentant, et le président lui-même portent et porteront durablement la responsabilité.
Cette faute est d'autant plus inadmissible que l'anti-tsiganisme ne cesse de croître dans des proportions alarmantes au niveau de toute l'Europe, en particulier en République tchèque (voir les pages 40 à 45 du rapport2009[viii] de la Commission Européenne contre le Racisme et l'Intolérance), en Hongrie et en Italie où la traque des Roms bat son plein depuis deux ans et ne fait qu'attiser la xénophobie en renforçant l'extrême-droite (il est urgent de lire à ce sujet les cinq parties de l'enquête "L'Europe au miroir des Roms"[ix] parue dans le volume Cette France-là et reprise sur l'excellent site du collectif Les mots sont importants). Sarkozy voudrait-il une fois de plus marcher sur les traces de Berlusconi qu'il ne s'y prendrait pas autrement. L'extrême droite italienne[x] vient d'ailleurs d'applaudir le président français.
En définitive peu importe au tandem Sarkozy-Hortefeux les cris d'alarme de la Commission Européenne. Peu leur importe que par leur politique l'image de la France à l'étranger soit ternie au point de perdre pour longtemps son symbole de patrie des droits de l'homme. Peu leur importe que l'ONU, le Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, les plus grands éditorialistes de la presse internationale et maintenant l'Eglise dénoncent la dérive xénophobe de la France. A défaut de fraternité, d'humanité et d'intelligence, ils ont la vérité pour eux, les « couches populaires » avec eux, comme le clame Brice Hortefeux dans son entretien au Monde : « J'assume cette vérité », « j'affirme une chose simple et vraie », dit à plusieurs reprises l'ami de trente ans du président. Cette « vérité simple » fait froid dans le dos : l'histoire nous apprend que les vérités simples font souvent le lit des totalitarismes.
 
4. Décomplexion et violence pure
Le petit monde de la sarkozie a imposé son langage. Il fait désormais notre époque, avec son lot de suiveurs, y compris parmi les intellectuels et les petits hommes de médias dont la puissance n'a d'égale que leur soumission crasse au pouvoir politique et aux intérêts financiers dont on sait à quel point ils sont aujourd'hui liés. Les mimes sont partout. Le trait dominant de ce langage semble être la décomplexion. Mais sa singularité réside surtout dans la violence performative de son discours qui est une violence pure.
La droite sarkoziste se proclame « décomplexée ». La polysémie du terme est riche d'enseignements. De quelle timidité ou de quelle complexe d'infériorité la droite souffrait-elle avant de se libérer ? De quelle instance surmoïque a-t-elle triomphé ? Quel tabou a-t-elle surmonté ? La réponse est presque contenue dans les questions : le Front National. Le sarkozisme décomplexé  aspire depuis ses débuts à prendre le chemin suivant : les thèses et la politique de l'extrême droite sont solubles dans la République. Cette décomplexion a commencé par les formes les plus prosaïques mais aussi les plus perverses, le développement exponentiel et la popularisation de la vulgarité en politique : une libération du langage qui cultive l'insulte, le renversement des positions (« les socialistes milliardaires » ou les médias « fascistes »), le mime des préjugés populaires les plus dangereux, le dénigrement de l'intelligence et de la culture, l'annexion et le travestissement des figures historiques (Jaurès et maintenant Clemenceau), la détestation et la stigmatisation des intellectuels, etc. Les exemples sont trop nombreux et trop connus pour qu'on prenne la peine de les citer tous, même si leur étude précise est à faire et leur dénonciation à produire systématiquement.
Cette décomplexion, en elle-même inadmissible en ce qu'elle extrait définitivement l'éthique de toute pratique politique, devient condamnable quand elle conduit àune banalisation de la xénophobie. Le mime, la reprise et la « sanctuarisation » politicienne des préjugés populaires n'a jamais atteint un tel degré d'efficacité sociale. Le fonctionnement est celui d'un appel à la gratification narcissique des racistes ordinaires qui découvrent de plus en plus dans leurs gouvernants un miroir de leurs affects, de leur vécu, de leur appréhension du réel. Les « choses simples et vraies » de Brice Hortefeux. Comme si les Français ne pouvaient plus avoir accès aux choses complexes.
Alors que l'on croyait que la tâche d'un démocrate et plus encore d'un homme d'Etat était de lutter contre les préjugés les plus dangereux de l'opinion, Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux à sa suite, de nombreux autres à leur suite, ont fait dès longtemps le choix de les alimenter et de les aviver, au risque de déliter le fragile ciment social et le pacte républicain dont leurs fonctions les rendaient garants. Et n'est-ce pas une forme de violence exercée à l'encontre du peuple que d'alimenter ses préjugés ? Le recours et le retour aux valeurs et aux symboles simples de la patrie (drapeau, Marseillaise) donne la touche sérieuse et grave qui manquait à cet empire de la vulgarité. Mais on inspire difficilement le respect des symboles et des valeurs républicaines dans un contexte de rabaissement permanent de la culture, de conflits d'intérêts et de scandales financiers. Là aussi le sarkozisme est un lamentable échec, une schizophrénie politique, une invention monstrueuse.
L'Etat français nous fait baigner dans une violence politique si ordinaire que la majorité finit par ne plus la voir. Elle est pourtant profonde, proche de ce que Walter Benjamin nommait « la violence pure » dans son essai « Pour une critique de la violence », un texte difficile qu'il faudrait relire attentivement. Le champ d'exercice de cette violence pure est d'abord le langage, la parole. Le national-populisme à la manière Sarkozy a sa langue propre. Son règne est le performatif : faire que la chose advienne en la nommant. Je ne prends qu'un exemple récent, celui de Lies Hebbadj, le commerçant nantais que Hortefeux veut déchoir de sa nationalité. Préparant le terrain à son projet de décret en faisant explicitement d'un cas individuel un problème de société, le ministre de l'Intérieur a transformé le plus naturellement du monde un « mis en examen » en « présumé coupable », et ce avant même que la justice ne se soit prononcée. Il ne fait là que suivre un « droit » que s'était déjà arrogé son prédécesseur, le ministre de l'Intérieur de 2003 qui annonçait le soir même de l'arrestation d'Yvan Colonna que la police venait d'arrêter « l'assassin du préfet Erignac ». On connaît les récidives qui suivront en matière d'atteinte à la présomption d'innocence. La condamnation antérieure à l'exercice de toute justice humaine relève bien d'une violence pure dont l'équivalent est celui de la violence divine.
Faute politique, mensonge, manipulation sont choses graves. Mais le plus affolant est la performativité sociale de cette parole : elle fait exister la culpabilité en la nommant. La logique est semblable à celle de l'insulte et de la stigmatisation des minorités. Elle est encore semblable à la modalité d'une déchéance de nationalité : un juge dit : « Vous n'êtes plus français », et vous n'êtes plus français. La violence à l'état pur. C'est peut-être là l'essence de ce nouveau pouvoir, plus dangereuse parce que plus insidieuse que les thèses traditionnelles de l'extrême droite. Car, lorsqu'un pouvoir commence à s'établir sur un tel fantasme de toute-puissance, lorsque nous observons l'efficacité redoutable de cette nomination à travers les relais d'opinion, nous ne pouvons exclure que ce pouvoir tente de mettre le droit en conformité avec sa praxis et avec l'idéologie qu'il diffuse. Il est même condamné à faire exister ce qu'il énonce, sauf à discréditer entièrement sa parole et sa politique. C'est ce qu'affirme fortement Hortefeux dans son entretien au Monde : « Il y aura donc autant de textes, de lois, de règlements que la réponse au défi de la protection des Français l'exige. Je n'ai aucun complexe là-dessus ». Encore la décomplexion. On voit ici le cercle vicieux et la perversité de la parole performative : l'invention sécuritaire met non seulement l'Etat en demeure de répondre à sa parole, mais il le place aussi devant un immaîtrisable, condamné qu'il est à se nourrir de ce qu'il produit et à alimenter toujours un peu plus le monstre qu'il a créé.
 
5. Non la peur, mais une éthique de la résistance
Deleuze disait que le XXIe siècle verrait l'apparition d'une société de contrôle et non plus d'enfermement. Il se trompait : l'Etat-Sarkozy a réussi à nous imposer en huit ans de responsabilités politiques et un peu plus de deux années de présidence le contrôle et l'enfermement. Il n'y a jamais eu autant de monde dans les prisons, autant de jeunes dans les prisons, autant de suicides dans les prisons. Autant de suicides dans les entreprises. Même les prisonniers ont peur. Les policiers, les CRS, les pompiers ont peur. Les préfets ont peur. On finit par se demander si l'Etat n'a pas peur de la peur qu'il invente.
La peur est cause et conséquence de l'insécurité. Elle est au coeur même des réformes que le gouvernement nous impose à un rythme effréné : la peur de n'être pas un bon chercheur et de devoir enseigner plus, la peur de ne pas être "performant", la peur de l'évaluation, de la concurrence, de l'excellence, la peur du collègue, du petit chef ou du grand chef, la peur de perdre son emploi, la peur de la précarité dont le développement est exponentiel dans ce qui reste de la fonction publique et dans toute notre société. Il existe aujourd'hui au moins trois types de peurs que le pouvoir a avivés et élevés à un degré insupportable : la peur sociale (la peur ordinaire, quotidienne, celle qui tient à l'insécurité professionnelle, à la sécurité des personnes), la peur politique (celles des militants associatifs ou syndicaux, des citoyens engagés dans les luttes, de plus en plus souvent intimidés, poursuivis ou réprimés par les pouvoirs publics), enfin la peur des victimes des politiques d'exclusion, la peur quotidienne du contrôle policier pour les milliers de sans-papiers, la peur panique de l'enfant arraché à sa mère, la peur du Rom privé de sa liberté et renvoyé dans un pays où il sera persécuté. Une peur autrement plus grande que les deux premières parce qu'elle engage des vies et des destins individuels.
Même la justice, sous la pression du ministre de l'Intérieur et des préfets, est devenue un moyen de distiller une peur protéiforme. La mise au placard de certains juges[xi] - sans parler de la valse des préfets - et la politique d'abattage à laquelle sont soumis les magistrats montrent l'inféodation pernicieuse de la justice à la doctrine sécuritaire du ministère de l'Intérieur et de l'Elysée : nous vivons désormais dans un pays où le principe constitutionnel de l'indépendance des magistrats est régulièrement foulé aux pieds et où les hauts fonctionnaires un peu libres de leurs idées sont mis au pas, ou tout bonnement mis à pied. L'autoritarisme et la logique de la sanction servent une politique de la peur qui n'a jamais eu d'équivalent depuis un demi-siècle ou davantage.
 
Face à ce gouvernement par la peur, et avant qu'elle ne se transforme en terreur, avant que cette peur ne produise d'autres formes de peur et de violence qui nous font craindre le pire, tous les citoyens responsables doivent se lever pour dire "Non!" à cet Etat de non-droit, pour rompre le cercle de la peur en assumant le risque de l'engagement, en ignorant les possibles sanctions et en se battant à tous les niveaux de la vie sociale pour se réapproprier le discours et la pratique critique, continuer à inventer des espaces de liberté et renforcer tous ces liens que les appels et les collectifs tissent comme une toile infinie et incontrôlable contre laquelle l'Etat de peur ne peut rien.
Il faut en appeler aussi au courage politique et à la responsabilité historique et éthique des intellectuels et des journalistes. Il faut en appeler encore à nos responsables syndicaux pour qu'ils prennent la mesure du piège et des conséquences qu'un syndicalisme de cogestion fait encourir à tous les secteurs professionnels. La fin du quinquennat de Sarkozy sera sous le signe d'un syndicalisme véritablement offensif ou les syndicats prendront le risque de perdre de nouvelles batailles. Il faut en appeler enfin à une véritable pratique critique que les Sciences Humaines et Sociales se doivent de continuer à développer, aujourd'hui plus que jamais. Le programme de mise au pas et d'affaiblissement structurel des SHS ne doit pas passer. Car nous avons plus que jamais besoin de sciences sociales fortes, d'historiens vigilants et engagés, de chercheurs continuant à développer des pratiques et des théories critiques du social et du politique, d'artistes libres de leurs créations et de leurs engagements, d'artistes soutenus par l'Etat. L'université et l'ensemble des organismes de recherche qui sont devenus le terrain d'exercice et d'élaboration de l'idéologie sarkoziste se doivent de résister, par tous les moyens légaux et démocratiques qui restent à leur disposition, à la plus grande entreprise de destruction des libertés académiques et de la collégialité des universitaires jamais mise en œuvre depuis la création de l'université. Une éthique de la résistance s'impose en tous lieux où il y a de la vie sociale. Elle exige une mobilisation de toutes les forces de l'intelligence, du langage et de la création pour retrouver le sens de l'utopie et inventer des idées nouvelles contre les « vérités simples », toutes faites, jetées à l'opinion publique par des politiciens irresponsables pour seulement recueillir l'assentiment des esprit les plus démunis face à l'inadmissible.
 
Quand des hommes politiques ont totalement abdiqué devant la complexité du réel pour imposer l'ineptie comme vérité et la haine de l'Autre comme programme politique, ils ne méritent plus, en démocratie, le respect dû à leur fonction. Et quand ils ne cessent de déformer et d'instrumentaliser l'histoire dans un grand révisionnisme de la pensée, ils doivent s'attendre à des dénonciations vigoureuses, à la hauteur de leurs impostures. Il est grand temps, vraiment, de ne plus rien laisser passer à ce gouvernement.
Aussi la journée de rassemblements citoyens du 4 septembre sera-t-elle décisive. Celle du 7 septembre contre la réforme des retraites ne le sera pas moins. Les deux sont étroitement liées car nous savons bien que la violence et la xénophobie d'Etat font système avec la violence économique et sociale d'un gouvernement qui, en un peu plus de deux années, aura appauvri les plus pauvres, enrichi les plus riches, persécuté les plus fragiles et détruit la moitié des services publics pour les brader aux intérêts du privé. Les pétitions et les tribunes sont des armes essentielles pour alerter l'opinion publique, mais elles ne suffiront pas. On n'arrêtera pas cette folle machine sécuritaire et xénophobe sans un véritable sursaut citoyen, sans une prise de conscience individuelle et collective, sans un engagement de tous, c'est-à-dire un engagement de chacun.
L'enjeu n'est plus seulement nos libertés démocratiques fondamentales, mais ce qui les conditionne : notre liberté de penser, notre liberté d'expression, aujourd'hui remises en cause. Le temps n'est pas loin où une réflexion libre sur la violence pure sera condamnée pour « délit d'opinion » et censurée par un Etat dont la politique fait le lit de la barbarie. Mais le temps n'est pas loin non plus où les citoyens démocrates qui n'auront pas cédé à la peur, à l'indifférence ou au fatalisme, prendront leurs responsabilités, exerceront leur devoir avec courage et détermination et entreront en résistance pour mettre un terme à la politique du pire.
 
Pascal Maillard
      Strasbourg, août 2010
 
* Professeur agrégé à l'université de Strasbourg, Pascal Maillard est membre du groupe de recherche POLART (Poétique et Politique de l'Art). Initiateur de l'Appel de Strasbourg, l'un des textes ayant lancé le mouvement universitaire de 2009 et dont Mediapart s'est fait le relais, il a suivi en observateur critique les événements politiques de « ce sombre été 2010 ».
 

[i] http://perdre-la-raison.blogspot.com/2010/08/recensement-de-toutes-les-lois-de.html
[ii] http://www.mediapart.fr/journal/france/220710/justice-ce-qui-n-est-plus-supportable
[iii] http://www.liberation.fr/societe/0101651734-il-n-est-pas-permis-de-comparer-la-politique-du-prefet-a-celle-de-vichy
[iv] http://www.mediapart.fr/club/blog/eric-fassin/240609/monsieur-sarkozy-nous-ne-vous-voyons-pas-assez
[v] http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2005-09-21-M-Sarkozy-contre-l-anti-France
[vi] http://lmsi.net/Sarkozy-les-medias-et-l-invention
[vii] http://tony-gatlif.mondomix.com/fr/video5625.htm
[viii] http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/Czech_Republic/CZE-CbC-IV-2009-030-FRE.pdf
[ix] http://lmsi.net/L-Europe-au-miroir-des-Roms,1101
[x] http://www.mediapart.fr/journal/france/240810/roms-lextreme-droite-italienne-applaudit-nicolas-sarkozy
[xi] http://www.rue89.com/blog-justice/2010/08/20/je-suis-un-petit-juge-sanctionne-pour-avoir-voulu-rendre-la-justice-162991

lundi 23 août 2010

Politique sécuritaire: les attaques contre Sarkozy s'amplifient

Politique sécuritaire: les attaques contre Sarkozy s'amplifient

De Raphaël HERMANO (AFP) – Il y a 50 minutes

PARIS — Au lendemain des critiques du clergé et du rappel à l'ordre de Benoît XVI au gouvernement sur sa politique à l'égard des Roms, le virage sécuritaire engagé par Nicolas Sarkozy a continué lundi de susciter l'indignation de politiques, du PS au FN en passant par Villepin.

Dans le camp présidentiel, les incriminations de l'Eglise ont sans surprise fait mouche auprès de Christine Boutin, au point de relancer pour la responsable du Parti Chrétien-Démocrate (PCD) la réflexion sur une possible séparation de son mouvement d'avec l'UMP, auquel il est allié.

Cette affaire "conforte notre réflexion sur 2012 et le fait que nous pourrions avoir un représentant dans cette élection présidentielle, moi ou quelqu'un d'autre", a mis en garde l'ex-ministre, qui évoque une "fêlure".

Toujours à droite, l'ex-Premier ministre Dominique de Villepin n'a pas mâché ses mots, dans une tribune signée dans Le Monde, en dénonçant une "surenchère sécuritaire" qui provoque "une tâche de honte sur notre drapeau national".

La séquence engagée à Grenoble a même fait un nouveau rallié pour le président de République solidaire (RS) : Amine Benalia-Brouch, le militant UMP témoin et objet de la blague de Brice Hortefeux sur les Arabes, laquelle a valu au ministre de l'Intéreur une condamnation pour injure raciale.

"J'en ai ras le bol de cette politique menée par le gouvernement. J'en avais déjà marre avec le débat sur l'identité nationale, puis avec l'arrivée à l'UMP de Philippe de Villiers (président du Mouvement pour la France, ndlr), mais là avec les Roms, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase", a expliqué celui qui affirme avoir désormais rejoint le mouvement villepiniste.

"Prendre pour cible, à grand spectacle, une communauté tout entière, ultra minoritaire, pour plaire à une partie de l'opinion, c'est grave et dangereux", a déclaré de son côté le patron du MoDem, François Bayrou.

Au PS, l'ancien Premier ministre Lionel Jospin a lui aussi pris la plume pour fustiger "la stratégie de tension" mise en oeuvre par l'exécutif.

Le porte-parole du parti Benoît Hamon a pris appui sur les critiques du pape, venant après celles de l'ONU et de plusieurs journaux étrangers, pour dire que Paris se plaçait "au ban des nations en matière de droits de l'Homme".

Le député PS de Paris Jean-Christophe Cambadélis a pour sa part choisi de dénoncer l'étonnant mutisme estival de François Fillon sur les questions de sécurité, que certains dans son camps analysent comme une prise de distance, mais qui "isole encore plus Nicolas Sarkozy", estime l'élu socialiste.

Force ouvrière y est aussi allée de son attaque, accusant le gouvernement de "dérive" à l'égard des Roms, "une rupture avec les principes de la République".

Dans leurs critiques, les détracteurs du chef de l'Etat l'accusent de vouloir tenter par ce virage sécuritaire de réitérer le siphonnage des votes du Front national, l'une des clés de son succès en 2007.

Du coup, le vice-président du FN, Bruno Gollnisch, a mis en garde les "éternels naïfs et futurs cocus" qui "s'enthousiasment à nouveau, comme en 2007, de la posture en apparence sécuritaire de Nicolas Sarkozy".

Les "expulsions volontaires coûteuses" de Roms "ne servent à rien : les intéressés, de l'aveu des forces de police et de gendarmerie, ne se gênent pas pour revenir, le gouvernement français s'étant privé lui-même des moyens de les en empêcher", a affirmé l'eurodéputé frontiste.

Dans ce concert de griefs, le seul responsable de parti à venir au secours du chef de l'Etat est Philippe de Villiers, qui l'a appelé à "tenir bon".

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samedi 21 août 2010

Signez la pétition : Il faut empêcher la lapidation de Sakineh

Signez la pétition : Il faut empêcher la lapidation de Sakineh

La tribune « Il faut empêcher la lapidation de Sakineh » publiée, hier soir, sur le site de la Règle du jeu et, ce matin, dans Libération, a suscité une vive émotion chez nos lecteurs.
Nombreux sont ceux qui nous écrivent en nous demandant ce qu’ils peuvent faire, et comment ils peuvent se mobiliser, pour tenter de sauver Sakineh et, par-delà même Sakineh, manifester leur horreur de cette pratique barbare, presque impensable, qu’est la lapidation.
Eh bien ce qu’ils peuvent faire est très simple et, en même temps, très important : c’est signer à leur tour, relayer, faire signer autour d’eux le texte rendu public par Elisabeth Badinter, Juliette Binoche, Rachida Dati, Sussan Deyhim, Mia Farrow, Bob Geldof, Ayaan Hirsi Ali, Milan Kundera, Bernard-Henri Lévy, Patrick Modiano, Taslima Nasrin, Yann Richard, Ségolène Royal, Marjane Satrapi, Jorge Semprun, Wole Soyinka, Simone Veil et Jody Williams.
C’est une véritable chaîne humaine, une chaîne de solidarité et d’espoir, qui doit s’organiser, en France et hors de France, autour de Sakineh et de tous les hommes et femmes qui, comme Sakineh, risquent aujourd’hui cette peine atroce, barbare, qu’est la lapidation.
Pour dire votre refus de la lapidation, pour dire à Sakineh qu’elle n’est pas seule et qu’elle a, dans le monde entier, des amis inconnus mais fervents, signez à votre tour, ici, l’appel international « Il faut empêcher la lapidation de Sakineh ».
Maria de França.
Il faut empêcher la lapidation de Sakineh

Sakineh Mohammadi Ashtiani attendait dans la prison de Tabriz, à l’ouest de l’Iran, où elle croupit depuis cinq ans, la réponse à une demande de réexamen de son cas – prévue, initialement, pour le 15 août.

Son “crime” (qu’elle n’a avoué, rappelons-le, que sous la torture et qui consisterait, selon ses accusateurs, à avoir eu deux relations amoureuses hors mariage) avait déjà été puni par 99 coups de fouet administrés en présence de l’un de ses deux enfants.

Mais voilà qu’une nouvelle et nébuleuse accusation a débouché, il y a quelques mois, sur une condamnation à mort – et pas n’importe quelle mort puisqu’il devrait s’agir d’une mort par lapidation!

L’opinion internationale, touchée par l’horreur de cette menace qui pèse sur Sakineh, attendait avec elle la révision d’un verdict aussi inique que barbare – quand, le 11 août dernier au soir, se produisit l’un de ces coups de théâtre dont l’Iran commence à être coutumière : le régime diffusait à la télévision, dans une émission de grande écoute, les prétendus « aveux » de la jeune femme qui, couverte par un tchador noir qui ne laissait voir que son nez et l’un de ses yeux, tenant une feuille de papier entre les doigts comme si elle récitait une leçon mal apprise, une voix off en farsi couvrant sa propre voix qui s’exprimait dans sa langue maternelle, l’azéri, confessait sa supposée “complicité” dans le meurtre de son mari.

Son actuel avocat, Hutan Kian, a affirmé que cette déclaration, contraire à toute vraisemblance, a été arrachée, à nouveau, sous la torture et rapporte que les enfants de Sakineh sont, quant à eux, « complètement traumatisés » par l’émission.

Outre le fait que l’on peut avoir des doutes sur l’identité de la femme qui est apparue ce soir-là, sur les écrans, dissimulée sous un tchador étonamment couvrant, ces propos vont, par ailleurs, clairement à l’encontre de ceux rapportés par le Guardian, la semaine dernière, et où Sakineh expliquait que les autorités iraniennes l’avaient déjà, en 2006, lavée de cette accusation infame; qu’elles mentaient donc sciemment en revenant ainsi sur une charge abandonnée depuis longtemps et ce dans le seul but de semer la confusion dans les médias et de les préparer à une exécution à la sauvette; et que la “justice” ne s’obstinait sur son cas que « parce qu’elle est une femme » et qu’elle vit « dans un pays où les femmes sont privées de leurs droits les plus élémentaires. »

Que Sakineh soit privée de ses droits les plus élémentaires, cela ressort du fait qu’elle n’a même pas eu droit, dans cette affaire, à un jugement limpide, dans une langue qu’elle puisse comprendre (« quand le juge a prononcé la sentence, a-t-elle déclaré au Guardian, je n’ai même pas réalisé que j’allais être lapidée à mort car j’ignorais ce que signifiait le mot “rajam”; ils m’ont demandé de signer la sentence, ce que j’ai fait, et quand je suis retournée en prison et que mes codétenues m’ont avertie que j’allais être lapidée, je me suis immédiatement évanouie»); cela est confirmé par les mésaventures de son ancien avocat, Mohammad Mostafaei, celui-là même qui a attiré l’attention internationale sur son cas et qui s’est vu, pour cela, menacé d’emprisonnement (il n’a dû son salut qu’à la fuite en Turquie où il attend un visa pour la Norvège – mais non sans que son épouse, Fereshteh Halimi, ait été retenue en otage et emprisonnée); et cela est attesté, enfin, par le fait que, nonobstant l’horreur de la chose même, et quitte à entrer dans les détails les plus scabreux, une mise à mort par lapidation n’est possible en “droit” iranien que lorsque la famille de la victime en fait la demande (ce qui, dans le cas de Sakineh et de sa famille, n’est, evidemment, pas le cas!).

Mais par delà ces considérations dans lesquelles nous n’avons ni le goût ni peut-être, désormais, vraiment le temps d’entrer, il est urgent d’intervenir pour empêcher une mise à mort dont les observateurs de la scène iranienne ont tout lieu de redouter l’imminence.

Il est urgent de répondre à l’appel des enfants de Sakineh, Fasride et Sajjad Mohammadi Ashtiani, nous adjurant de ne pas fermer les yeux sur une mise en scène aussi grossière et de ne pas laisser leur « cauchemar devenir réalité ».

Il est urgent d’exiger des autorités, pour Sakineh, le renoncement à toute forme d’exécution, une remise en liberté sans délai et la reconnaissance de son innocence.

Des dizaines de femmes sont, chaque année, en Iran, condamnées au fouet, à la lapidation ou à d’autres peines dont la barbarie glace, tout autant, les sangs: il est urgent, au-delà même du cas de Sakineh, que l’ONU rappelle au régime des Mollahs les promesses faites, en 2002 et en 2008, quant à l’abolition de ce type de châtiments.

La vie d’une femme est jeu.

La liberté et la dignité de milliers d’autres se jouent également là.

Et il s’agit enfin de l’honneur d’un grand pays, doté d’une culture aussi magnifique qu’immémoriale, et qui ne peut se voir résumer, sous les yeux du monde, au visage ensanglanté, réduit en bouillie, d’une femme lapidée.

Pitié pour Sakineh.
Premiers signataires :

Elisabeth Badinter, Juliette Binoche, Rachida Dati, Sussan Deyhim, Mia Farrow, Bob Geldof, Ayaan Hirsi Ali, Milan Kundera, Bernard-Henri Lévy, Patrick Modiano, Taslima Nasrin, Yann Richard, Ségolène Royal, Marjane Satrapi, Jorge Semprun, Wole Soyinka, Simone Veil, Jody Williams
Premiers soutiens :

Victoria Abril, Isabelle Adjani, Sylviane Agacinski, Woody Allen, Armin Arefi, Martine Aubry, Fernando Arrabal, Ariane Ascaride, Yvan Attal, Edouard Baer, Josiane Balasko, Marie-Christine Barrault, Kate Barry, Monica Bellucci, Samuel Benchetrit, Yamina Benguigui, Charles Berling, Stéphane Bern, Jane Birkin, Marie-Louise Bischofberger, Dominique Blanc, Luc Bondy, Carole Bouquet, Peter Brook, Valéria Bruni-Tedeschi, Sophie Calle, Philippe Calvario, Robert Carsen, Alain Chamfort, Cali, Patrice Chereau, François Chereque, Jeanne Cherhal, Hans-Peter Cloos, François Cluzet, Nicole Croisille, Olivier Corpet, Antoine De Caunes, Maria De Medeiros, Rossy De Palma,Vincent Delerme, Valéry Giscard d’Estaing, Catherine Deuneuve, Gérard Depardieu, Martial Di Fonzo Bo, Laurent Dispot, Claire Diterzi, Lou Doillon, Arielle Dombasle, Léa Drucker, André Dussolier, Enzo Enzo, Golshifteh Farahani, Mylène Farmer, Jean-Louis Foulquier, Sami Frey, Charlotte Gainsbourg, Nicole Garcia, Christophe Gayral, Arthur H, Jacques Henric, Anne Hidalgo, Lucas Hemleb, Jacques Higelin, Isabelle Huppert, Angélique Ionatos, Agnès Jaoui, Elfriede Jelinek, Lionel Jospin, Gérard Jugnot, Marthe Keller, Ludovic Lagarde, Valérie Lang, Matthias Langhoff, Bernard Lavilliers, Claude Lelouch, Michael Levinas, Justine Lévy, Didier Long, Amin Mahdavi, Noël Mamère, François Marthouret, Macha Méril, Daniel Mesguich, Julia Migenes, Patrick Mille, Catherine Millet, Claude Miller, Frédéric Mitterrand, Misia, Yann Moix, Carmen Moravia, Jeanne Moreau, Anna Mouglalis, Isabelle Nanty, Catherine Nay, Florence Parisot, Laurent Pelly, Nicole Philibert, Denis Podalydès, Patrick Poivre d’Arvor, Charlotte Rampling, Robin Renucci, Natacha Regnier, Jean-Michel Ribes, Laurent Ruquier, Lars Von Triers, Elie Wiesel, Lambert Wilson

jeudi 12 août 2010

Hadopi : un opérateur saisit à nouveau le Conseil d'État

Hadopi : un opérateur saisit à nouveau le Conseil d'État

Par lefigaro.fr
12/08/2010 | Mise à jour : 17:28 Réactions (5)

Benjamin Bayart, président de FDN, avait participé à cet ouvrage. Crédits photo : AFP
FDN attaque un décret indispensable au bon fonctionnement de la Haute autorité. Les opérateurs poursuivent aussi leur bras de fer pour que l'identification des abonnés leur soit remboursée par l'Etat.

FDN récidive. Farouchement opposé à l'Hadopi, le fournisseur d'accès à Internet associatif a annoncé jeudi avoir déposé un second recours en référé devant le Conseil d'Etat, afin de contester la procédure de sanction de l'autorité chargée de lutter contre le téléchargement illégal. D'après la loi votée l'an dernier, la Hadopi doit pouvoir infliger des amendes et couper les accès à Internet des abonnés dont les lignes ont été utilisées pour pirater. Mais les premiers messages d'avertissement n'ont toujours pas été envoyés.
L'attaque de FDN (French Data Network) s'est faite en deux temps. En mai, le fournisseur d'accès a déposé un premier recours pour contester le décret du 5 mars 2010, qui définit la façon dont la Hadopi est saisie par les détenteurs de droits d'auteur et la coopération avec les opérateurs télécoms chargés d'identifier les internautes pirates. Le second recours, envoyé mercredi, porte sur deux articles d'un nouveau décret du 27 juillet, qui prévoit plus généralement la procédure à suivre pour sanctionner le téléchargement pirate.
«Le premier décret aurait dû être soumis pour avis à l'Arcep (le régulateur des télécoms) et il ne l'a pas été», justifie Benjamin Bayart, président du fournisseur d'accès, qui a demandé son annulation pour «vice de forme». Le deuxième décret «s'appuie sur le décret précédent qui est selon nous illégal» et devrait donc lui aussi être annulé, estime-t-il. «Comme l'Hadopi dit vouloir mettre en œuvre la procédure [de sanction] très vite, on a déposé en plus un recours en référé demandant au Conseil d'Etat de suspendre l'application de ce décret le temps qu'on sache si le tout est légal ou pas», explique-t-il. Une décision pourrait être rendue «avant la fin du mois d'août».
Les opérateurs télécoms veulent être remboursés
Du côté de l'Hadopi, on indique ne pas commenter les procédures en cours. Mais on ne manque pas d'occupation, car un autre soucis de taille perturbe le lancement de l'arsenal antipiratage français. En effet, le gouvernement n'a toujours pas trouvé d'accord avec les fournisseurs d'accès sur l'identification des internautes repérés sur les réseaux de «peer-to-peer». L'Hadopi doit leur demander les coordonnées précises de leurs abonnés, en fonction des adresses IP détectées. Or, cette opération risque de prendre du temps et d'être coûteuse, quand le dispositif tournera à plein régime.
Lors de l'installation du collège de la Hadopi, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, avait prévenu qu'il n'y avait «pas de remboursement prévu par l'Etat». «Notre position n'a pas changé», a affirmé jeudi un porte-parole du ministère. Dans une lettre envoyée fin juillet au ministère et publiée par PC Inpact, plusieurs FAI préviennent qu'ils seront «amenés à facturer […] les pouvoirs publics». Ils justifient leur position en s'appuyant sur une décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000, qui prévoit que les dépenses «ne sauraient […] incomber directement aux opérateurs» lorsqu'ils apportent leur concours «à la sauvegarde de l'ordre public, dans l'intérêt général de la population».
Ce courrier a été signé par Bouygues Telecom, Free, Numericable et Orange. SFR, qui ne figure pas parmi les signataires, indique qu'il n'y a «pas de discussions à date et qu'il ne sait pas qui paierait la fourniture des coordonnées par les FAI». Selon la filiale du groupe Vivendi, aux intérêts culturels très marqués, «ce sujet devrait être abordé dans le cadre de la Fédération française des télécoms» (FFT). En septembre 2009, la FFT avait rappelé son engagement dans la lutte contre le téléchargement illégal, tout en soulignant qu'«il appartient à l'Etat d'en financer le dispositif».
(avec AFP)

Société Publié le 12/08/2010 à 18:29 AFP Discriminations: la France clouée au pilori par un comité de l'ONU

Société
Publié le 12/08/2010 à 18:29 AFP
Discriminations: la France clouée au pilori par un comité de l'ONU

La France a été clouée au pilori mercredi et jeudi par les experts du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU (CERD), qui ont dénoncé un "manque de volonté politique" face à une "recrudescence" des actes racistes dans ce pays.

La France a été clouée au pilori mercredi et jeudi par les experts du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU (CERD), qui ont dénoncé un "manque de volonté politique" face à une "recrudescence" des actes racistes dans ce pays.
La politique française envers les minorités était passée au crible dans le cadre de l'examen périodique des pays ayant ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965.
Habituellement très technique, le débat a pris un tour politique après les annonces fracassantes de ces dernières semaines du chef de l'Etat français, Nicolas Sarkozy, qui a réclamé la déchéance de la nationalité française pour meurtre de policier ou pour polygamie, lancé l'évacuation de camps illégaux de Roms et fustigé les cas de délinquance dans cette population d'origine roumaine et bulgare ainsi que parmi les gens du voyage.
Dans ce contexte chargé, la délégation française a présenté un rapport énumérant les mesures mises en place depuis son dernier examen devant le CERD en 2005, et surtout annoncé le lancement très attendu d'un plan national de lutte contre le racisme.
Cette annonce, saluée par les 18 experts du comité, n'a pas permis d'amoindrir une salve de critiques virulentes, notamment sur les déclarations du président, qui constituent selon un expert "une incitation à la haine".
La France est confrontée à une "recrudescence notable du racisme et de la xénophobie", a affirmé l'expert togolais Kokou Ewomsan.
Concernant les gens du voyage, dont le nombre est estimé à quelque 400.000 personnes à 95% françaises, certains ont dénoncé un amalgame avec les Roms et surtout le système d'attribution de visa de circulation tous les trois mois.
"Le carnet de circulation nous rappelle l'époque de Pétain", a affirmé Waliakoye Saidou (Niger).
La question du renvoi des Roms, dont plus de 40 camps illégaux ont été démantelés en 15 jours, a été évoquée à plusieurs reprises.
"Comment comprendre que les Roms (...) puissent être extradés comme s'ils n'appartenaient pas à l'Union européenne?", s'est interrogé l'expert algérien Nourredine Amir. "Je ne savais pas que dans un même pays on pouvait faire la différence entre un citoyen de première et de deuxième catégorie", a-t-il ajouté.
Sur la déchéance de la nationalité, le Turc Gun Kut a déclaré: "Je ne comprends pas ce que c'est qu'un Français d'origine étrangère" et "je me demande si cela est compatible avec la Constitution".
Au total, en refusant de reconnaître le droit des minorités, la France pratique une politique "chaotique", a estimé l'experte du Burkina Faso.
Le rapporteur de la session, l'Américain Pierre-Richard Prosper, a affirmé: "Ce qui manque en France, c'est une vraie volonté politique".
Surprise par la vigueur de ces critiques, la délégation française s'est attachée jeudi à défendre bec et ongles les positions du gouvernement.
Elle a rejeté les problèmes de légalité des mesures contre les Roms et a assuré qu'une révision de la loi de 1969 sur les gens du voyage était à l'étude, notamment sur la question du droit de vote.
Elle a en revanche botté en touche sur la déchéance de la nationalité, la loi relative à cette mesure n'ayant pas encore été élaborée.
Les ONG se sont félicitées des interrogations d'experts internationaux sur ce qu'elles ont appelé les "récentes dérives du président français".
La France, où l'on observe "un climat général de durcissement de la xénophobie", "a été mise sur le grill" comme jamais, a estimé Malik Salemkour, de la Ligue des droits de l'homme.
Le CERD doit conclure sa session par une série de recommandations à la France le 27 août.

mercredi 11 août 2010

Neutralité du Net : la « quasi censure » est préconisée dans le rapport du Gouvernement 11 août 2010 By bluetouff Twitter It! 6 Le mois d’août pr

Neutralité du Net : la « quasi censure » est préconisée dans le rapport du Gouvernement

11 août 2010

By bluetouff

Twitter It!


Le mois d’août promettait d’être riche en sucre, on a pas été déçu. La semaine dernière c’était une ordonnance de référé qui demandait poliment (sous peine d’amende de 10 000 euros par jours) aux fournisseurs d’accès Internet (pas tous, juste les 7 plus gros) de bloquer, par tous les moyens possibles (DPI, blocage DNS, IP, rafale d’AK47…) les sites de jeux en ligne qui n’ont pas de licence française. Un traitement que la LOPPSI promettait de n’appliquer qu’aux sites pédophiles. On s’est tout de suite dit que le lobby de la propriété intellectuelle (les moines copistes de DVD), allaient se ruer sur l’occasion afin de profiter (gratuitement) du zèle des fournisseurs d’accès.

On attendait avec une impatience non dissimulée les enseignements que le gouvernement allait tirer de son élan démocratique qu’inspirait un débat public sur la neutralité du Net. Le rapport circule en haut lieu, il s’intitule, tenez vous bien : « La neutralité de l’Internet. Un atout pour le développement de l’économie numérique ». Regardons ce qui, selon le gouvernement, représente des atouts pour le développement de l’économie numérique.

Avec un titre comme ça, on s’attend forcement à des mesures chocs qui favoriseront l’émergence de nouveaux acteurs, de nouveaux services, avoir un vrai Net exemplaire où tout est fait pour que la France se donne les moyens d’innover. On s’attend à des mesures spectaculaires comme l’Etat qui mettrait 15 milliards d’euros sur la table pour couvrir la France avec un réseau optique gigabit … mon dieu ce que vous êtes naifs !

La date de divulgation partielle de ce rapport est finement étudiée, comme toutes les âneries les plus difficiles à faire avaler à l’opinion publique, on a choisi de balancer ça en plein milieu des vacances en priant pour que la 3G ne passe pas sur la plage. Bien joué, mais manque de bol, moi les vacances en zones de tiers monde numérique (celles qui était sensées ne plus exister en 2012… vous savez le fameux plan Numériques 2012) ce n’est pas trop ma tasse de thé, j’ai un mot de mon docteur. Et pour ce que je découvre depuis hier par bribes sur le contenu de ce rapport, je dois bien avouer que je n’étais pas non plus à jour de mes vaccins… je suis tout simplement écoeuré qu’un dossier aussi important ai fait l’objet d’arbitrages interministériels d’une telle inconscience et qui masquent mal cette incompétence crasse qui plane au dessus de l’Elysée dés que l’on touche à Internet. Ce n’est pourtant pas compliqué, personne n’a demandé au gouvernement de spécifier IPV7 pour un draft à l’IETF, à peine attendons nous de lui qu’il respecte ce vieux texte poussiéreux qu’est la Constitution française et qu’il applique à l’Internet la même jouissance de nos libertés fondamentales qui font la fierté de notre République… Et bien non, au lieu de ça, la France est sur le point de rejoindre la liste des pays qui pratiquent la censure sur le Net, aux côtés de la Chine et de l’Iran… un résultat vraiment spectaculaire pour ce qui se présentait comme une consultation emprunte d’un élan démocratique.

Quand on lit ce qui ressort des bribes du rapport publié par Libération sur son site Ecrans, on craint le pire et on se dit qu’on avait déjà au moment de cette consultation, flairé un mauvais coup. Comme je n’ai toujours pas eu accès au rapport dans son intégralité j’émets donc quelques réserves mais je vais quand même me permettre de commenter ce que j’ai pu en lire. En outre, je ne saurais trop vous recommander la lecture attentive de l’article d’Astrid Girardeau sur Owni qui s’interroge sur la finalité du débat qui a animé cette consultation et qui souligne que le rapport ne se limite pas à la neutralité du net, mais englobe la neutralité des réseaux.

Je vais donc partir du principe que l’auteur de ce rapport franchement orienté est l’oeuvre d’une personne qui ne prend pas la mesure de ce qu’elle rapporte ici, je n’irais même pas perdre mon temps à aller chercher des « coupables », car vous allez voir que la situation a plus besoin de bonnes volontés pour trouver des solutions et éviter une catastrophe qu’autre chose. Il est clairement temps que nous nous mettions tous au travail, et ça va passer par supporter plus que jamais les travaux de la Quadrature du Net.

Allez, assez de blahblah, examinons ce qui ressort des ces conclusions.

Le document de 34 pages commence par des chiffres sur l’utilisation d’Internet et un historique sur la neutralité du Net. Ecrans entame le sujet en soulignant que « le Gouvernement consacre plus de la moitié du rapport aux « risques de congestion du réseau », considérés « de plus en plus importants ». » A ce niveau là, on parle encore de traffic shaping et de QoS. La première des conditions pour qu’un réseau soit neutre… c’est qu’il fonctionne. Si un FAI se prend 2 terabits de flood, il peut apparaître normal que ce dernier intervienne afin que cet incident n’impacte pas le bon fonctionnement de tout ses services… jusque là tout va bien.

« la préservation d’un Internet ouvert n’interdit pas la mise en place de mesures techniques, notamment de gestion de trafic ». Ici, on commence à annoncer subtilement la couleur, mais la gestion de trafic, dans un but de bon fonctionnement du réseau, ça reste acceptable à la seule condition que l’on définisse précisément, dans la plus grande transparence pourquoi tel noeud du réseau (et non tout le réseau de l’opérateur), se voit amputé de services ou fait l’objet d’un bridage quelconque. Le document parle alors de « modèles économiques pérennes et équitables pour l’ensemble des acteurs pour répondre à la hausse de la consommation de bande passante ». On effleure à peine la nécessité de se doter d’un réseau très haut débit, en revanche on souligne d’entrée que « ces contraintes peuvent amener les différents acteurs à des pratiques différenciées de gestion des contenus, des applications ou des terminaux, voire à développer des accords d’exclusivité »… une formule de politesse que l’on pourrait définir en un mot : « discrimination », soit l’antithèse de la neutralité… ça commence donc très fort. Le chapitre 2.2.1, page 11, nous explique que l’asymétrie de l’utilisation de certains services engendre de nouveaux coûts pour les opérateurs. Problème qui pourrait être résolu si nous avions nous aussi notre Youtube ou notre Facebook pour peser dans des négociations de délocalisation d’infrastructures afin d’équilibrer une fibre transatlantique qui n’est utilisée que dans le sens USA –> France … mais vu qu’on a rien à proposer aux américains et qu’avec ces conclusions, c’est pas demain la veille qu’on risque d’avoir un acteur capable de peser dans ce type de négociations, il ne nous reste plus qu’à opter pour des stratégies de cache de Megaupload, Youtube (…) ou de trouver une utilisation intelligente du peer to peer au lieu l’interdire..

Ecrans rapporte ensuite que le document s’acquitte du terme « neutralité » pour lui opposer le terme d’« Internet ouvert ». Alors pour commencer, un « Internet fermé », on appelle ça un Intranet, quand il y a des abonnés dessus et qu’il est accessible depuis l’extérieur par le réseau, à la limite, on appelle ça un extranet, mais surement pas Internet. Un fournisseur d’accès s’y est essayé, il s’appelait AOL… et AOL est mort… vous devinez pourquoi ? Et oui, c’est parce qu’il y avait « Internet, et Internet par AOL » (en bref, tout sauf Internet). Il v a falloir que l’auteur de ce rapport revoit sérieusement ses bases car un « internet ouvert », c’est un pléonasme… impardonnable à ce niveau là.

En page 16 du document, on confirme gentiment le non sens de l’Internet ouvert opposé à l’Internet neutre en légitimant une pratique contraire à la neutralité d’un réseau qui consiste à y placer de l’intelligence en son « coeur » : « Toutefois le principe du end to end a toujours été conçu comme un principe pragmatique, visant à favoriser l’intelligence aux extrémités du réseau. Il n’interdit pas de mettre de l’intelligence en coeur de réseaux lorsque cela est pertinent. »

Ok, très bien… alors « pertinent » pour vous ça veut dire quoi ?

Quand il attaque la problématique de l’Internet mobile, le rapport souligne : « les capacités de réseaux plus restreintes [...] ne permettent pas de transposer, à brèves échéances les pratiques de l’Internet fixe » et il fait référence à des services : Les « échanges en P2P », « la consultation vidéo « en streaming » », les « services de voix sur IP » restent concernés par ces « limitations et restrictions ».

Là, il va falloir m’expliquer pourquoi quand j’utilise mon téléphone comme modem, mon opérateur tente de m’interdire (en échouant lamentablement) de surfer avec mon navigateur alors que ce même opérateur me propose de regarder la TV. Qu’un seul ose me dire que consulter une page web ou me servir de la voix sur ip, une poignée d’octets en comparaison d’un flux TV qu’on me propose en illimité, va créer des « congestions » sur le réseau de mon opérateur. Là, je commence à ne plus avoir de doute sur la partialité ou de l’auteur du rapport. Ça fera l’objet d’un autre billet, mais j’entends bien prouver que la deep packet inspection est déjà bien en place sur les réseaux des opérateurs téléphoniques. Le rapport ne trouve rien à redire aux pratiques d’interdiction de l’utilisation de certains services comme la voix sur IP et sous entend qu’il ne s’agit pas là de discrimination. J’ai promis à une personne qui se reconnaitra de ne pas taper trop fort, je vais donc ici m’abstenir de commenter ce point plus amplement.

L’internet du riche et l’Internet du pauvre

L’un des principes fondateurs de l’Internet induit par ce que l’on appelle la neutralité du Net, c’est que tout le monde a accès au même Internet sans qu’une discrimination ne s’opère. Là, on brise le mythe, et on s’égare dans une discrimination des services qui deviendrait monnayable. On ne parle pas de débits, mais clairement d’accès à certains services qui constituent Internet : « L’expéditeur peut payer un complément pour avoir des garanties de qualité de service. ». Si vous voulez être assurés que vos mails parviendront bien à leur destinataire, vous aurez peut-être à payer à votre opérateur un « supplément mail ». D’ailleurs le rapport ose cette splendide comparaison « Le service postal fonctionne [ndlr : comme Internet] sur une approche best effort. Il n’y a pas de ressources pré-allouées dans le bureau de poste. Le facteur fait ses meilleurs efforts pour délivrer le courrier mais celui-ci peut être retardé en cas de surcharge, et l’expéditeur n’a pas la garantie que le courrier soit délivré avec succès. Cependant, l’expéditeur peut payer un complément pour avoir des garanties de qualité de service. ». Un seul mot me vient à l’esprit : M.A.G.N.I.F.I.Q.U.E. A quand l’option « smtp qui fonctionne » à 5 euros par mois chez Orange ?

DPI pour tout le monde, censure annoncée (2.3.2 De nouveaux mécanismes, plus intrusifs, de gestion du trafic – page 18)

Et si le débat sur la neutralité du Net n’était en fait que l’occasion de consacrer la DPI, le filtrage et le blocage des sites ? C’est la question que je me posais ici en plein colloque de l’ARCEP pour lequel je n’ai pas même réussi à obtenir mon entrée. Contre toute attente, comme le rapporte Ecrans, la réponse du gouvernement est la suivante : Le rapport va droit au but, assimilant « le traitement différencié de certains flux », dans le cadre du respect des obligations légales, à une« nécessité ». Il précise : « sur l’Internet, comme ailleurs, les agissements illicites (fraudes et escroqueries, délits de presse, atteintes à la vie privée, contrefaçon, piratage des oeuvres protégées par le droit d’auteur, diffusion de contenus pédopornographiques, etc.) doivent être poursuivis et sanctionnés, ce qui peut impliquer la mise en place de dispositifs de filtrage ou de blocage de certains contenus » et de conclure par un superbe « et cætera » dans lequel on pourra par exemple coller allègrement la diffamation, l’outrage au drapeau, la divergence d’opinion… CE QUE VOUS VOULEZ… le vrai symbole d’un « Internet ouvert », on nous avait pas dit que c’était un Internet qui « ouvrait la porte à toutes les fenêtres », c’est maintenant chose faite. Si vous n’avez pas saisi, on parle bien de flicage des internautes où la responsabilité judiciaire serait endossée par les fournisseurs d’accès à qui on confierait les mêmes pouvoirs que les douanes, à savoir une commission rogatoire permanente lui permettant d’analyser toutes vos requêtes et où il pourrait décider de les acheminer ou de les bloquer. Soit en le faisant de manière qui viole clairement votre vie privée, avec la deep packet inspection, soit en se basant sur une analyse statistique (avec un taux d’erreur allant de 6 à 10% selon les papiers de recherche que j’ai pu avoir sous les yeux) avec la stochastic packet inspection. Le point du délit de presse mentionné dans ce rapport est aussi particulièrement inquiétant, on peut en conclure que Médiapart aurait été filtré ou plutôt bloqué à la publication des enregistrements pirates de l’affaire Bettencourt et on s’interroge sur qui aurait pu prendre cette décision (le fournisseur d’accès ? un juge ? l’Elysée ? Le ministère des bonnes moeurs sur Internet ? Frédéric Mitterrand ?…). J’ai du mal à ne pas faire le rapport avec la proposition de résolution sur la liberté de la presse de Muriel Marland-Militello. Le rapport a quand même le bon goût de signaler la DPI comme une technologie intrusive qui pourrait être utilisée à d’autres fins que celles prévenues initialement.

« Quand t’es au fond, il suffit de creuser un peu plus »

« l’AppStore et ne prend pas en charge la technologie Flash, suscite naturellement des questions par rapport à l’objectif de neutralité de l’Internet. »

On assiste enfin ici à une démonstration supplémentaire (et franchement triste) de l’incompétence du rédacteur du rapport qui ne sait visiblement pas que Flash ne fait pas « parti d’Internet » (ou alors j’ai loupé son introduction au W3C et la RFC de l’IETF ). C’est ici une société qui vend un produit propriétaire et qui discrimine la technologie propriétaire d’une autre société, mais ce n’est en aucun cas une atteinte à la neutralité du Net puisque Flash n’a jamais fait parti du Net. Ça respire l’amateurisme et à ce niveau c’est tout bonnement consternant.

En conclusion

Il est triste que la consultation sur la Neutralité du Net, le colloque de l’ARCEP et les tonnes de rapports déjà produits aboutissent à ce que je viens de lire. Même les choses les plus élémentaires comme la définition des termes que l’on y emploi ne sont pas maîtrisées. Je peine à croire que ce compte rendu ait été réalisé avec l’impartialité que l’exercice exige, il est truffé de non sens. La prochaine étape logique serait que le Gouvernement assimile certains usages cryptographiques à des pratiques illicites et n’en vienne à les règlementer, ou qu’il contraigne les FAI à filtrer comme ils peuvent les paquets qu’ils ne peuvent pas déchiffrer. Ça vous paraît ahurissant ? Et pourtant ça colle tellement avec le couplet sur le filtrage, c’est d’une logique implacable, nous risquons bien de nous retrouver avec une obligation de détenir un permis pour avoir le droit d’utiliser SSH.

Si Coluche avait pu constater le nombre d’âneries que contient ce rapport, il aurait conclu que c’est un peu comme un artichaut : « plus on en mange, plus on en a dans l’assiette ».

Je m’arrête ici pour ce soir, mais il risque fort d’y en avoir une seconde couche une fois que ce document sera officiellement rendu public.

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Tags: bocage, dpi, filtrage, gouvernement, netneutrality, rapport

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11 août 2010

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Le mois d’août promettait d’être riche en sucre, on a pas été déçu. La semaine dernière c’était une ordonnance de référé qui demandait poliment (sous peine d’amende de 10 000 euros par jours) aux fournisseurs d’accès Internet (pas tous, juste les 7 plus gros) de bloquer, par tous les moyens possibles (DPI, blocage DNS, IP, rafale d’AK47…) les sites de jeux en ligne qui n’ont pas de licence française. Un traitement que la LOPPSI promettait de n’appliquer qu’aux sites pédophiles. On s’est tout de suite dit que le lobby de la propriété intellectuelle (les moines copistes de DVD), allaient se ruer sur l’occasion afin de profiter (gratuitement) du zèle des fournisseurs d’accès.

On attendait avec une impatience non dissimulée les enseignements que le gouvernement allait tirer de son élan démocratique qu’inspirait un débat public sur la neutralité du Net. Le rapport circule en haut lieu, il s’intitule, tenez vous bien : « La neutralité de l’Internet. Un atout pour le développement de l’économie numérique ». Regardons ce qui, selon le gouvernement, représente des atouts pour le développement de l’économie numérique.

Avec un titre comme ça, on s’attend forcement à des mesures chocs qui favoriseront l’émergence de nouveaux acteurs, de nouveaux services, avoir un vrai Net exemplaire où tout est fait pour que la France se donne les moyens d’innover. On s’attend à des mesures spectaculaires comme l’Etat qui mettrait 15 milliards d’euros sur la table pour couvrir la France avec un réseau optique gigabit … mon dieu ce que vous êtes naifs !

La date de divulgation partielle de ce rapport est finement étudiée, comme toutes les âneries les plus difficiles à faire avaler à l’opinion publique, on a choisi de balancer ça en plein milieu des vacances en priant pour que la 3G ne passe pas sur la plage. Bien joué, mais manque de bol, moi les vacances en zones de tiers monde numérique (celles qui était sensées ne plus exister en 2012… vous savez le fameux plan Numériques 2012) ce n’est pas trop ma tasse de thé, j’ai un mot de mon docteur. Et pour ce que je découvre depuis hier par bribes sur le contenu de ce rapport, je dois bien avouer que je n’étais pas non plus à jour de mes vaccins… je suis tout simplement écoeuré qu’un dossier aussi important ai fait l’objet d’arbitrages interministériels d’une telle inconscience et qui masquent mal cette incompétence crasse qui plane au dessus de l’Elysée dés que l’on touche à Internet. Ce n’est pourtant pas compliqué, personne n’a demandé au gouvernement de spécifier IPV7 pour un draft à l’IETF, à peine attendons nous de lui qu’il respecte ce vieux texte poussiéreux qu’est la Constitution française et qu’il applique à l’Internet la même jouissance de nos libertés fondamentales qui font la fierté de notre République… Et bien non, au lieu de ça, la France est sur le point de rejoindre la liste des pays qui pratiquent la censure sur le Net, aux côtés de la Chine et de l’Iran… un résultat vraiment spectaculaire pour ce qui se présentait comme une consultation emprunte d’un élan démocratique.

Quand on lit ce qui ressort des bribes du rapport publié par Libération sur son site Ecrans, on craint le pire et on se dit qu’on avait déjà au moment de cette consultation, flairé un mauvais coup. Comme je n’ai toujours pas eu accès au rapport dans son intégralité j’émets donc quelques réserves mais je vais quand même me permettre de commenter ce que j’ai pu en lire. En outre, je ne saurais trop vous recommander la lecture attentive de l’article d’Astrid Girardeau sur Owni qui s’interroge sur la finalité du débat qui a animé cette consultation et qui souligne que le rapport ne se limite pas à la neutralité du net, mais englobe la neutralité des réseaux.

Je vais donc partir du principe que l’auteur de ce rapport franchement orienté est l’oeuvre d’une personne qui ne prend pas la mesure de ce qu’elle rapporte ici, je n’irais même pas perdre mon temps à aller chercher des « coupables », car vous allez voir que la situation a plus besoin de bonnes volontés pour trouver des solutions et éviter une catastrophe qu’autre chose. Il est clairement temps que nous nous mettions tous au travail, et ça va passer par supporter plus que jamais les travaux de la Quadrature du Net.

Allez, assez de blahblah, examinons ce qui ressort des ces conclusions.

Le document de 34 pages commence par des chiffres sur l’utilisation d’Internet et un historique sur la neutralité du Net. Ecrans entame le sujet en soulignant que « le Gouvernement consacre plus de la moitié du rapport aux « risques de congestion du réseau », considérés « de plus en plus importants ». » A ce niveau là, on parle encore de traffic shaping et de QoS. La première des conditions pour qu’un réseau soit neutre… c’est qu’il fonctionne. Si un FAI se prend 2 terabits de flood, il peut apparaître normal que ce dernier intervienne afin que cet incident n’impacte pas le bon fonctionnement de tout ses services… jusque là tout va bien.

« la préservation d’un Internet ouvert n’interdit pas la mise en place de mesures techniques, notamment de gestion de trafic ». Ici, on commence à annoncer subtilement la couleur, mais la gestion de trafic, dans un but de bon fonctionnement du réseau, ça reste acceptable à la seule condition que l’on définisse précisément, dans la plus grande transparence pourquoi tel noeud du réseau (et non tout le réseau de l’opérateur), se voit amputé de services ou fait l’objet d’un bridage quelconque. Le document parle alors de « modèles économiques pérennes et équitables pour l’ensemble des acteurs pour répondre à la hausse de la consommation de bande passante ». On effleure à peine la nécessité de se doter d’un réseau très haut débit, en revanche on souligne d’entrée que « ces contraintes peuvent amener les différents acteurs à des pratiques différenciées de gestion des contenus, des applications ou des terminaux, voire à développer des accords d’exclusivité »… une formule de politesse que l’on pourrait définir en un mot : « discrimination », soit l’antithèse de la neutralité… ça commence donc très fort. Le chapitre 2.2.1, page 11, nous explique que l’asymétrie de l’utilisation de certains services engendre de nouveaux coûts pour les opérateurs. Problème qui pourrait être résolu si nous avions nous aussi notre Youtube ou notre Facebook pour peser dans des négociations de délocalisation d’infrastructures afin d’équilibrer une fibre transatlantique qui n’est utilisée que dans le sens USA –> France … mais vu qu’on a rien à proposer aux américains et qu’avec ces conclusions, c’est pas demain la veille qu’on risque d’avoir un acteur capable de peser dans ce type de négociations, il ne nous reste plus qu’à opter pour des stratégies de cache de Megaupload, Youtube (…) ou de trouver une utilisation intelligente du peer to peer au lieu l’interdire..

Ecrans rapporte ensuite que le document s’acquitte du terme « neutralité » pour lui opposer le terme d’« Internet ouvert ». Alors pour commencer, un « Internet fermé », on appelle ça un Intranet, quand il y a des abonnés dessus et qu’il est accessible depuis l’extérieur par le réseau, à la limite, on appelle ça un extranet, mais surement pas Internet. Un fournisseur d’accès s’y est essayé, il s’appelait AOL… et AOL est mort… vous devinez pourquoi ? Et oui, c’est parce qu’il y avait « Internet, et Internet par AOL » (en bref, tout sauf Internet). Il v a falloir que l’auteur de ce rapport revoit sérieusement ses bases car un « internet ouvert », c’est un pléonasme… impardonnable à ce niveau là.

En page 16 du document, on confirme gentiment le non sens de l’Internet ouvert opposé à l’Internet neutre en légitimant une pratique contraire à la neutralité d’un réseau qui consiste à y placer de l’intelligence en son « coeur » : « Toutefois le principe du end to end a toujours été conçu comme un principe pragmatique, visant à favoriser l’intelligence aux extrémités du réseau. Il n’interdit pas de mettre de l’intelligence en coeur de réseaux lorsque cela est pertinent. »

Ok, très bien… alors « pertinent » pour vous ça veut dire quoi ?

Quand il attaque la problématique de l’Internet mobile, le rapport souligne : « les capacités de réseaux plus restreintes [...] ne permettent pas de transposer, à brèves échéances les pratiques de l’Internet fixe » et il fait référence à des services : Les « échanges en P2P », « la consultation vidéo « en streaming » », les « services de voix sur IP » restent concernés par ces « limitations et restrictions ».

Là, il va falloir m’expliquer pourquoi quand j’utilise mon téléphone comme modem, mon opérateur tente de m’interdire (en échouant lamentablement) de surfer avec mon navigateur alors que ce même opérateur me propose de regarder la TV. Qu’un seul ose me dire que consulter une page web ou me servir de la voix sur ip, une poignée d’octets en comparaison d’un flux TV qu’on me propose en illimité, va créer des « congestions » sur le réseau de mon opérateur. Là, je commence à ne plus avoir de doute sur la partialité ou de l’auteur du rapport. Ça fera l’objet d’un autre billet, mais j’entends bien prouver que la deep packet inspection est déjà bien en place sur les réseaux des opérateurs téléphoniques. Le rapport ne trouve rien à redire aux pratiques d’interdiction de l’utilisation de certains services comme la voix sur IP et sous entend qu’il ne s’agit pas là de discrimination. J’ai promis à une personne qui se reconnaitra de ne pas taper trop fort, je vais donc ici m’abstenir de commenter ce point plus amplement.

L’internet du riche et l’Internet du pauvre

L’un des principes fondateurs de l’Internet induit par ce que l’on appelle la neutralité du Net, c’est que tout le monde a accès au même Internet sans qu’une discrimination ne s’opère. Là, on brise le mythe, et on s’égare dans une discrimination des services qui deviendrait monnayable. On ne parle pas de débits, mais clairement d’accès à certains services qui constituent Internet : « L’expéditeur peut payer un complément pour avoir des garanties de qualité de service. ». Si vous voulez être assurés que vos mails parviendront bien à leur destinataire, vous aurez peut-être à payer à votre opérateur un « supplément mail ». D’ailleurs le rapport ose cette splendide comparaison « Le service postal fonctionne [ndlr : comme Internet] sur une approche best effort. Il n’y a pas de ressources pré-allouées dans le bureau de poste. Le facteur fait ses meilleurs efforts pour délivrer le courrier mais celui-ci peut être retardé en cas de surcharge, et l’expéditeur n’a pas la garantie que le courrier soit délivré avec succès. Cependant, l’expéditeur peut payer un complément pour avoir des garanties de qualité de service. ». Un seul mot me vient à l’esprit : M.A.G.N.I.F.I.Q.U.E. A quand l’option « smtp qui fonctionne » à 5 euros par mois chez Orange ?

DPI pour tout le monde, censure annoncée (2.3.2 De nouveaux mécanismes, plus intrusifs, de gestion du trafic – page 18)

Et si le débat sur la neutralité du Net n’était en fait que l’occasion de consacrer la DPI, le filtrage et le blocage des sites ? C’est la question que je me posais ici en plein colloque de l’ARCEP pour lequel je n’ai pas même réussi à obtenir mon entrée. Contre toute attente, comme le rapporte Ecrans, la réponse du gouvernement est la suivante : Le rapport va droit au but, assimilant « le traitement différencié de certains flux », dans le cadre du respect des obligations légales, à une« nécessité ». Il précise : « sur l’Internet, comme ailleurs, les agissements illicites (fraudes et escroqueries, délits de presse, atteintes à la vie privée, contrefaçon, piratage des oeuvres protégées par le droit d’auteur, diffusion de contenus pédopornographiques, etc.) doivent être poursuivis et sanctionnés, ce qui peut impliquer la mise en place de dispositifs de filtrage ou de blocage de certains contenus » et de conclure par un superbe « et cætera » dans lequel on pourra par exemple coller allègrement la diffamation, l’outrage au drapeau, la divergence d’opinion… CE QUE VOUS VOULEZ… le vrai symbole d’un « Internet ouvert », on nous avait pas dit que c’était un Internet qui « ouvrait la porte à toutes les fenêtres », c’est maintenant chose faite. Si vous n’avez pas saisi, on parle bien de flicage des internautes où la responsabilité judiciaire serait endossée par les fournisseurs d’accès à qui on confierait les mêmes pouvoirs que les douanes, à savoir une commission rogatoire permanente lui permettant d’analyser toutes vos requêtes et où il pourrait décider de les acheminer ou de les bloquer. Soit en le faisant de manière qui viole clairement votre vie privée, avec la deep packet inspection, soit en se basant sur une analyse statistique (avec un taux d’erreur allant de 6 à 10% selon les papiers de recherche que j’ai pu avoir sous les yeux) avec la stochastic packet inspection. Le point du délit de presse mentionné dans ce rapport est aussi particulièrement inquiétant, on peut en conclure que Médiapart aurait été filtré ou plutôt bloqué à la publication des enregistrements pirates de l’affaire Bettencourt et on s’interroge sur qui aurait pu prendre cette décision (le fournisseur d’accès ? un juge ? l’Elysée ? Le ministère des bonnes moeurs sur Internet ? Frédéric Mitterrand ?…). J’ai du mal à ne pas faire le rapport avec la proposition de résolution sur la liberté de la presse de Muriel Marland-Militello. Le rapport a quand même le bon goût de signaler la DPI comme une technologie intrusive qui pourrait être utilisée à d’autres fins que celles prévenues initialement.

« Quand t’es au fond, il suffit de creuser un peu plus »

« l’AppStore et ne prend pas en charge la technologie Flash, suscite naturellement des questions par rapport à l’objectif de neutralité de l’Internet. »

On assiste enfin ici à une démonstration supplémentaire (et franchement triste) de l’incompétence du rédacteur du rapport qui ne sait visiblement pas que Flash ne fait pas « parti d’Internet » (ou alors j’ai loupé son introduction au W3C et la RFC de l’IETF ). C’est ici une société qui vend un produit propriétaire et qui discrimine la technologie propriétaire d’une autre société, mais ce n’est en aucun cas une atteinte à la neutralité du Net puisque Flash n’a jamais fait parti du Net. Ça respire l’amateurisme et à ce niveau c’est tout bonnement consternant.

En conclusion

Il est triste que la consultation sur la Neutralité du Net, le colloque de l’ARCEP et les tonnes de rapports déjà produits aboutissent à ce que je viens de lire. Même les choses les plus élémentaires comme la définition des termes que l’on y emploi ne sont pas maîtrisées. Je peine à croire que ce compte rendu ait été réalisé avec l’impartialité que l’exercice exige, il est truffé de non sens. La prochaine étape logique serait que le Gouvernement assimile certains usages cryptographiques à des pratiques illicites et n’en vienne à les règlementer, ou qu’il contraigne les FAI à filtrer comme ils peuvent les paquets qu’ils ne peuvent pas déchiffrer. Ça vous paraît ahurissant ? Et pourtant ça colle tellement avec le couplet sur le filtrage, c’est d’une logique implacable, nous risquons bien de nous retrouver avec une obligation de détenir un permis pour avoir le droit d’utiliser SSH.

Si Coluche avait pu constater le nombre d’âneries que contient ce rapport, il aurait conclu que c’est un peu comme un artichaut : « plus on en mange, plus on en a dans l’assiette ».

Je m’arrête ici pour ce soir, mais il risque fort d’y en avoir une seconde couche une fois que ce document sera officiellement rendu public.

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Tags: bocage, dpi, filtrage, gouvernement, netneutrality, rapport

This entry was posted on 11 août 2010 at 01:17 and is filed under Net Neutrality, Politique. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed.