dimanche 22 février 2009

Le Troll de la semaine : l'UMP et les droits d'auteur

Le Troll de la semaine : l'UMP et les droits d'auteur

Article rédigé le 21/02/2009 à 10h36 par Charles P.


Logo UMP
Cette affaire est presque du pain bêni pour les opposants à la riposte graduée. Pendant que Christine Albanel veut faire passer sa loi Création et Internet envers et contre tout, l'UMP se lance dans la contrefaçon.

Une histoire embarrassante pour l'UMP vient d'être révélée. Le parti, soutenant pourtant la création de l'Hadopi, est accusé d'avoir utilisé frauduleusement une chanson du groupe MGMT. Le titre en question, Kids, a servi d'illustration sonore à deux meetings et à plusieurs vidéos, dont une diffusée sur Dailymotion.

Isabelle Wekstein, avocate défendant les intérêts du groupe en France, a envoyé deux mises en demeure au début du mois de février, une à destination de l'UMP et l'autre à Dailymotion. Si l'hébergeur a répondu et a supprimé la vidéo frauduleuse de son site, il en est tout autre concernant l'UMP.

L'avocate estime qu'il y a un acte de « de contrefaçon, une atteinte au droit de la propriété intellectuelle » ajoutant même : « On voit que ceux qui préconisent la chasse aux internautes ne sont pas les plus respectueux du droit des artistes ». En effet, la demande d'indemnisation envoyé par Isabelle Wekstein est, pour le moment, restée lettre morte.

Xavier Bertrand

Seul Xavier Bertrand se permet d'intervenir pour tenter un mea culpa au nom du parti : « L'UMP est très attaché au respect des droits d'auteur. Et la protection des oeuvres des artistes est quelque chose de primordial. Il fallait prévoir des indemnisations. » Il fallait oui...


Le secrétaire général de l'UMP affirme avoir payé les droits pour la chanson à la SACEM. Mais Isabelle Wekstein ne semble pas convaincue : « Même si l'UMP a payé des droits à la Sacem, ce dont je n'ai pas encore eu confirmation, cela ne règle pas le problème, car il n'y a pas eu de demande d'autorisation ni de paiement des autres droits. [...] L'UMP ne nie d'ailleurs pas l'acte de contrefaçon. »

Le gouvernement plaide pour une riposte graduée ne prenant aucunement en compte les difficultés techniques, ni la présomption d'innocence des internautes. Si nous appliquons la démarche de la loi Création et Internet à cette affaire, l'UMP a mis à disposition sur Internet du contenu ne respectant pas le droit d'auteur, ce qui fait du parti un pirate en puissance. Le responsable de la mise en ligne de ces vidéos aurait-il eu sa connexion Internet coupée pendant six mois si l'Hadopi existait ?

Troll

Mais le plus drôle dans l'histoire est que le site Internet de l'UMP lance en ce moment même un débat intitulé « Piratage, moi non plus ! » qui nous pose cette question essentielle : « Y a-t-il des limites à la « culture gratuite » ? Peut-on continuer à tout vidéo-streamer en toute impunité ? Pour un podcast anodin ... combien de victimes collatérales ? Donnez votre avis. » L'UMP veut-il vraiment qu'on lui donne le nôtre ?


En tout cas, on attend impatiemment celui de Frédéric Lefebvre, porte parole de l'UMP, qui déclarait cette semaine vouloir la création d'une commission d'enquête sur le streaming. Son propre parti en serait la première cible...

Source : LCI

picto liens en rapport avec la news Toutes les news sur: Troll, UMP, Musique, Piratage, Gouvernement
picto définitions Les définitions de: . Site WEB

vendredi 20 février 2009

Questions sur l'utilisation de musique... par l'UMP

Questions sur l'utilisation de musique... par l'UMP

Franck Mée
20 février 2009 12:01

MGMT en concert (photo Erik Graham, licence CC-SA)
MGMT, groupe musical américain, accuse l'UMP, parti politique français, d'avoir utilisé illégalement un de ses morceaux. L'UMP s'en défend mais dit chercher «une juste indemnisation du groupe».

L'affaire tombe mal à l'heure où l'UMP, majoritaire à l'Assemblée nationale, soutient le projet de loi «Création et Internet», visant notamment à lutter contre la piraterie audiovisuelle. Maître Wekstein, avocate du groupe MGMT, accuse en effet le parti d'avoir utilisé le morceau Kids de celui-ci sans autorisation à plusieurs reprises : deux meetings les 24 et 25 janvier et trois vidéos diffusées sur Internet sont pointés du doigt.

Les vidéos ont été retirées de la toile, et notamment de Dailymotion où l'une d'entre elles était publiée. Néanmoins, selon Me Wekstein, «on voit que ceux qui préconisent la chasse aux internautes ne sont pas les plus respectueux du droit des artistes».

L'UMP se défend de cette accusation : selon son secrétaire général Xavier Bertrand, «la musique utilisée dans les meetings l'a été dans le cadre de la Sacem et donc en payant des droits à la Sacem». Et d'ajouter : «nous sommes en train de regarder pour qu'il y ait une juste indemnisation du groupe».

La déclaration est pour le moins étonnante. Une fois les droits payés à la SACEM (société chargée de récolter et distribuer les droits d'auteur dans le domaine musical en France), c'est a priori cette dernière qui doit s'occuper de la redistribution, en passant par ses équivalents transatlantiques au besoin. La juste indemnisation n'est donc plus l'affaire de l'UMP... sauf à supposer que celle-ci ait effectivement court-circuité le droit d'auteur.

Si aucun accord amiable n'est trouvé, Me Wekstein envisagerait d'aller en justice au nom de MGMT, selon l'AFP.

jeudi 19 février 2009

Riposte graduée : L’obstacle européen de retour ?

Riposte graduée : L’obstacle européen de retour ?

par Astrid Girardeau

tags : vie privée , Europe , riposte graduée , neutralité du net

DR

Alors que le projet de loi Création et Internet est prévu pour être examiné mi-mars par l’Assemblée nationale (on parle aujourd’hui du 10, à cause des discussions actuelles sur l’hôpital qui prennent plus de temps que prévu), les choses bougent du côté européen, pas vraiment dans le sens voulu par la France.

Hier, on rapportait que le rapport Medina, prônant la mise en place d’un système type riposte graduée et le filtrage des contenus, a été reporté jusqu’à nouvel ordre. Lundi dernier, c’est le Contrôleur Européen de la Protection des Données (CEPD), la Cnil européenne, qui se repositionnait contre la mise en place d’un système de riposte graduée et pour la réintroduction de l’amendement 138, le fameux texte déposé par les eurodéputés Guy Bono, Daniel Cohn-Bendit, et Zuzana Roithová. Cet amendement empêcherait un Etat de l’Union d’évacuer l’autorité judiciaire au profit d’une autorité administrative pour prendre des décisions relatives à la liberté d’expression et d’information des citoyens.

Début septembre, le CEPD rendait un avis critique sur les directives du Paquet Telecom relatives au traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée. Par exemple sur le flou de l’amendement 181 qui permet que « toute personne physique ou morale » puisse obtenir et traiter des données relatives au trafic à partir du moment où cela vise « à garantir la sécurité » du service, réseau ou équipement y afférent. Inquiet que ses recommandations, qui « offraient des protections aux citoyens », aient finalement été ignorées, le CEPD publiait, fin janvier, un second avis à propos la directive 2002/58/EC relative à la protection des données en « espérant que les nouveaux amendements seront adoptés, qui restaureront la garantie de la protection des données ».

Le 16 février, le CEPD a émis un nouvel avis (pdf), cette fois sur la directive européenne 2002/22/CE qui aborde notamment la mise en place d’un système de type riposte graduée, tel que prévu dans le projet de loi français Création et Internet. Il juge malheureuses les tentatives d’utiliser le Paquet Télécom pour règlementer les droits d’auteur et les questions liées aux contenus, et « qu’il aurait été préférable que le Parlement européen ne cède pas à la pression en fixant les bases d’une approche type riposte graduée. »

Il explique ne pas avoir d’objection à « la coopération entre les autorités, les ayants droit et les fournisseurs d’accès Internet quant à la protection légale des contenus, y compris le droit d’auteur, sur Internet. » Toutefois, il se dit « préoccupé par un suivi systématique et vaste de l’utilisation d’Internet par les individus, et cela indépendamment de l’existence de soupçon de violation de droits d’auteur », et appelle à un « équilibre entre, d’un côté, l’intérêt à la vie privée et la protection des données des individus, et, de l’autre, les droits d’auteur et les fournisseurs d’accès ». Il appelle aussi les organismes législatifs à réintroduire d’une part les différentes directives protectrices des droits des citoyens, et, d’autre part, l’amendement 138.

Enfin, selon EurActiv, la commissaire européenne Viviane Reding aurait décidé de suspendre toutes les actions liées à la lutte contre le piratage en ligne d’ici la fin de son mandat, soit à l’automne prochain. Selon le site, ce serait dû à la pression exercée par le secteur des télécommunications et les organisations de consommateurs, mais aussi par l’industrie des contenus. « Le débat s’est radicalisé, ne laissant aucune marge de manœuvre », a confié un représentant de la Commission à EurActiv.

Rappelant par ailleurs que la ministre de la Justice allemande s’est récemment déclarée hostile au projet de loi Création et Internet, Guy Bono se réjouit de cette situation : « la Ministre de la Culture va se retrouver bien seule en Europe ! »

En pleines élections européennes, un certain nombre de projets semblent donc partis pour être gelés quelques mois. Toutefois, concernant le Paquet Telecom même, de nombreux amendements peuvent encore être déposés d’ici son passage en deuxième lecture, le 22 avril prochain. La Quadrature du Net pointe par exemple des amendements de « discrimination du net » qui, selon eux, « permettraient aux opérateurs d’autoriser ou d’interdire l’accès aux contenus, aux services et aux applications ou de leur affecter des priorités plus ou moins élevées ». Par exemple pour ralentir les connections des internautes accusés d’avoir téléchargé des fichiers protégés par le droit d’auteur, comme cela a été envisagé dans le cadre du projet de loi Création et Internet.


Il y a 2 réactions à cet article.

Lire les réactions.
Réagir à cet article.

Partager cet article

[Facebook] [scoopeo] [Google] [del.icio.us] [StumbleUpon]

Vers une société de surveillance sur le Net

Médias 29/10/2008 à 16h11 (mise à jour à 17h15)

Vers une société de surveillance sur le Net

35 réactions

Par CHRISTIAN PAUL, député (PS) de la Nièvre, ancien ministre

Le temps des crises charrie le pire, mais anticipe aussi le monde qui vient. Le Parlement européen a jeté un utile pavé dans la mare, en affirmant «qu’aucune restriction à la liberté d’expression et d’information d’un citoyen ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire». C’est bien le moins dans un Etat de droit ! Confier à une police privée, puis à une autorité administrative (baptisée Hadopi) le contrôle des réseaux numériques pour préserver les intérêts des artistes est l’un des pires services à rendre au droit d’auteur. Les créateurs comme les producteurs seraient bien inspirés d’y regarder à deux fois. Par bonheur, se lève une génération d’artistes qui refuse de cautionner cette tentation liberticide, si éloignée de leurs pratiques et de leurs aspirations.

Une très large réprobation, au-delà des clivages traditionnels, a fort justement pointé les dérives du projet Edvige, le fichage généralisé de la population âgée de 13 ans et plus. Alors, Hadopi, Edvige, même combat ? Probablement la même tentation de taxinomie globale… Le projet de loi «Création et Internet» suscitera prochainement autant d’indignation. Il ouvre en effet la boîte de Pandore en promettant une surveillance automatique à très grande échelle des contenus échangés par les internautes. La société de surveillance, favorisant le traçage des personnes, mobilisant la biométrie, la vidéosurveillance, et le fichage de police mêlant indigestement terroristes potentiels et adolescents à la dérive, se construit à nos portes, et maintenant grâce à nos connexions, sur l’internet.

Demain, des agents, certes assermentés, pourront analyser nos échanges afin de déterminer quels films, quelles chansons, quelles œuvres nous avons téléchargés ou mis à disposition. Le repérage de Bienvenue chez les ch’tis n’apportera probablement pas de grand enseignement sur nos passions et nos inclinations, mais que penser de celui de contenus politiques, philosophiques ou proposés à tel ou tel public averti? C’est un pas décisif vers une analyse comportementale poussée, un «profilage» sans précédent et sans garde-fous.

C’est la culture des «autres» qui est visée, de ceux qui ne rentrent pas dans le moule, et avec elle l’exception culturelle, qui est visée. En plus de leur culture, la vie des «autres» serait singulièrement compliquée par cette avant-première du profilage automatique des internautes. Le projet prévoit en effet ni plus ni moins que la suspension de l’accès internet des «déviants» récalcitrants: une perte d’identité numérique, une mort virtuelle…

Un des arguments clés des opposants à Edvige a reposé sur la disproportion du dispositif envisagé. Le but affiché par la loi «DADSVI bis» est ni plus ni moins que de sauver la culture en mettant un grand coup de frein, sinon d’arrêt, aux échanges «illégaux» d’œuvres en ligne. Pourtant, chaque année qui passe à construire d’illusoires lignes Maginot prive les artistes de solutions équilibrées, et de nouvelles rémunérations substantielles. Le dernier auteur de tels détournements de fonds n’est autre que Jean-François Copé, inventeur d’une taxe inédite sur les opérateurs de l’internet pour financer la télévision publique, alors que l’équité voudrait que la création musicale et audiovisuelle, qui nourrit les réseaux, en bénéficie largement.

Trois ans après la loi DADVSI jamais appliquée, première bataille d’Hernani de l’internet, les tendances déjà visibles alors se sont confirmées et amplifiées. L’accès libre ou presque à la musique –la gratuité apparente- se généralise, sous la pression des internautes…mais aussi des industries culturelles elles-mêmes! Car la musique invente, dans la fièvre de sa crise, les nouveaux modèles et leur cohabitation possible.

Publicité, abonnements, forfaits viennent compléter la vente à l’acte, «au morceau» qui décolle lentement. Les offres d’accès gratuit se multiplient. Déjà, Universal pourtant grand pourfendeur de «pirates» a mis en «écoute gratuite» sur Jiwa l’essentiel de ses catalogues. Son PDG salue l’explosion du modèle gratuit, après l’avoir diabolisé. Il devient donc cocasse, voire impossible d’expliquer à un adolescent qu’il peut écouter sans limites toute la musique du monde sur son PC, et qu’il vire délinquant s’il la partage avec d’autres grâce un réseau peer to peer.

Les internautes qui souhaitent copier les chansons sur d’autres appareils sont invités à utiliser le système d’Amazon, qui leur permet de les télécharger en Mp3, sans avoir à supporter les aléas d’un dispositif technique de contrôle de l’usage, un de ces fameux «verrous techniques (DRM)» encensés il y a peu, désormais aux oubliettes. L’offre la plus spectaculaire et emblématique parmi les dernières en date reste bien celle de MySpace. Le premier réseau social du monde a en effet décidé de proposer gratuitement à l’écoute plusieurs centaines de milliers de chansons en flux. Si le site de Ruppert Murdoch met en avant les artistes indépendants recourant à ses services, sa nouvelle offre de musique gratuite ne repose que sur un accord avec les «majors» du disque. Les «petits» producteurs ne verront pas, pour l’essentiel, leurs artistes sur MySpace.

Au fond, cette stratégie maladroite ou cynique, rétrograde, permet aux leaders mondiaux de la production et de la diffusion d’établir des positions dominantes durables. Il est temps de rompre avec l’illusion sécuritaire, soutenue sans réserve depuis 2005 par l’actuel président de la République, d’abandonner une logique suicidaire qui ne profite qu’à certains intérêts très particuliers, au détriment des seuls acteurs incontournables de la culture: les artistes et le public.

La légalisation des échanges non-commerciaux des œuvres culturelles est inéluctable et souhaitable. C’est un fait de civilisation, un progrès à portée de main pour l’accès plus libre à la culture. Il revient aujourd’hui au Politique, en retard manifeste sur la société, de prendre ses responsabilités pour bâtir une régulation efficace et moderne, et pour rendre la révolution numérique profitable à tou

mercredi 11 février 2009

Fédération Nationale de la Libre Pensée

Lénine (22 avril 1870 - 21 janvier 1924)
De l’attitude du Parti Ouvrier à l’égard de la religion
(numéro 45 du Proletary, 1909)
mardi 9 janvier 2007
par federation nationale
popularité : 4%
En mai 1909 eurent lieu à la Douma les débats sur le budget du Saint Synode. Le député social-démocrate Sourkov, un paysan, dans un discours agressif qualifia les prêtres de « fonctionnaires en soutane », « Pas un kopek de l’argent du peuple ne doit être accordé à ces ennemis jurés du peuple qui obscurcissent la conscience populaire ». Lénine s’en montra enchanté. A une réunion du Prolétary, il fit un rapport sur « la religion et le parti ouvrier ». « La question religieuse, estimait Lénine, est on ne peut plus actuelle. Tout ce qui touche la religion a pénétré dans les milieux intellectuels proches du mouvement ouvrier, ainsi que dans certains milieux ouvriers. La social-démocratie se doit absolument d’intervenir pour faire connaître son point de vue en matière de religion. » (1002 et 1003, Editions sociales)

Quiconque est tant soit peu capable d’envisager le marxisme de façon sérieuse, de méditer ses principes philosophiques et l’expérience de la social-démocratie internationale, verra aisément que la tactique du marxisme à l’égard de la religion est profondément conséquente et mûrement réfléchie par Marx et Engels ; que ce que les dilettantes ou les ignorants prennent pour des flottements n’est que la résultante directe et inéluctable du matérialisme dialectique. Ce serait une grosse erreur de croire que la « modération » apparente que nous pratiquons à l’égard de la religion s’explique par des raisons tactiques, comme le désir de « ne pas se heurter », etc.

Au contraire, la ligne politique du marxisme, dans cette question également, est indissolublement liée à ses principes philosophiques. Le marxisme est un matérialisme. A ce titre, il est aussi implacablement hostile à la religion que le matérialisme des encyclopédistes du XVIIIème siècle ou le matérialisme de Feuerbach.

Voilà qui est indéniable. Mais le matérialisme dialectique de Marx et d’Engels va plus loin que les encyclopédistes et Feuerbach en ce qu’il applique la philosophie matérialiste au domaine de l’histoire et des sciences sociales. Nous devons combattre la religion, c’est l’abc de tout le matérialisme, et, partant, du marxisme. Mais le marxisme n’est pas un matérialisme qui s’en tient à l’abc. Le marxisme va plus loin ; or, pour cela, il faut expliquer d’une façon matérialiste la source de la foi et de la religion des masses. On ne doit pas confiner la lutte contre la religion dans une prédication idéologique abstraite. On ne doit pas l’y réduire. Il faut lier cette lutte à la pratique concrète du mouvement de masse et de classe visant à faire disparaître les racines sociales de la religion. Pourquoi la religion se maintient-elle dans les couches arriérées du prolétariat des villes, dans les vastes couches du semi-prolétariat, dans la masse des paysans ?

Par suite de l’ignorance du peuple, répond le progressiste bourgeois, le radical ou le matérialiste bourgeois.

Et donc, à bas la religion, vive l’athéisme, la diffusion des idées athées est notre tâche principale.

Les marxistes disent : c’est FAUX !

Ce point de vue traduit l’idée superficielle, étroitement bourgeoise, d’une action de la culture par elle-même. Un tel point de vue n’explique pas assez complètement dans un sens matérialiste, mais dans un sens idéaliste, les racines de la religion.

Dans les pays capitalistes, c’est-à-dire, sur l’ensemble du monde, ces racines sont surtout sociales.

La situation sociale défavorisée des masses travailleuses, leur apparente impuissance totale devant les forces aveugles du capitalisme, qui causent, chaque jour et à tout heure, mille fois plus de souffrances horribles, de plus sauvages tourments aux humbles travailleurs, que les évènements exceptionnels tels qu’un tremblement de terre, etc… C’est là qu’il faut rechercher aujourd’hui les racines les plus profondes de la religion. « La peur a créé les dieux ». La peur devant la force aveugle du capital, aveugle parce que ne pouvant être prévue des masses populaires, qui, à chaque instant de la vie du prolétaire et du petit patron, menace de lui apporter et lui apporte la ruine « subtile », « inattendue », « accidentelle », qui cause sa perte, qui en fait un mendiant, un déclassé, une prostituée, le réduit à mourir de faim, voilà les racines de la religion moderne que le matérialiste doit avoir en vue, avant tout et par-dessus tout, s’il ne veut pas demeurer un matérialiste primaire.

Aucun livre de vulgarisation n’expurgera la religion des masses abruties par le bagne capitaliste, assujetties aux farces destructives aveugles du capitalisme, aussi longtemps que ces masses n’auront pas appris à lutter de façon cohérente, organisée, systématique et consciente contre ces racines de la religion, contre le règne du capital sous toutes ses formes. Est-ce à dire que le livre de vulgarisation contre la religion soit nuisible ou inutile ?

Non.

La conclusion qui s’impose est tout autre. C’est ce que le discours athée des militants laïques et sociaux doit être subordonné à sa tâche fondamentale, à savoir : au développement de la lutte laïque et sociale des exploités contre les exploiteurs. Un homme qui n’a pas médité sur les fondements du matérialisme dialectique, ne peut pas comprendre (ou du moins peut ne pas comprendre du premier coup) cette thèse. Comment cela ? Subordonner le discours idéologique, la diffusion de certaines idées, la lutte contre un ennemi de la culture et du progrès qui sévit depuis des millénaires (à savoir la religion), à la lutte des exploités contre les exploiteurs, c’est à dire à la lutte pour les objectifs pratiques déterminés dans le domaine économique, sociale et politique ? Cette objection est du nombre de celles que l’on fait couramment aux marxistes ; elles témoignent d’une incompréhension totale du matérialisme dialectique. La contradiction qui trouble ceux qui font des objections n’est autre que la vivante contradiction de la réalité vivante, c’est-à-dire une contradiction dialectique non verbale, ni inventée. Séparer par une barrière absolue, infranchissable, le discours théorique de l’athéisme, c’est-à-dire la destruction de croyances religieuses chez certaines couches du prolétariat (ceux qui ne peuvent vivre qu’en vendant leur force de travail), d’avec le succès, la marche, les conditions, de la lutte des exploités contre les exploiteurs, c’est raisonner sur un monde qui n’est pas dialectique ; c’est faire une barrière absolue de ce qui est une barrière subtile, relative, c’est rompre violemment ce qui est indissolublement lié dans la réalité vivante.

Prenons un exemple. Le prolétariat d’une région ou d’une branche est formé, disons, d’une couche de militants laïques et sociaux assez conscients, athées et de couches populaires assez arriérés ayant encore des attaches au sein de la paysannerie, croyant en Dieu, fréquentant l’église ou même soumis à l’influence directe du prêtre de l’endroit. Supposons encore que la lutte économique dans cette localité ait abouti à la grève. Un marxiste est forcément tenu de placer le succès du mouvement de grève au premier plan, de réagir résolument contre la division des ouvriers, dans cette lutte, entre athées et chrétiens, de combattre résolument cette division. Dans ces circonstances, le discours athée peut s’avérer superflu et nuisible, non pas du point de vue d’effaroucher les couches retardataires, de perdre un mandat aux élections, etc. mais du point de vue du progrès réel de la lutte de classe qui dans les conditions de la société capitaliste moderne, amènera les ouvriers chrétiens à la social-démocratie et à l’athéisme, cent fois mieux qu’un sermon athée pur et simple.

Dans un tel moment et dans ces conditions, le prédicateur de l’athéisme ferait le jeu du pope, de tous les popes, qui ne désirent rien autant que remplacer la division des ouvriers en grévistes et non-grévistes par la division des croyants et des incroyants. L’anarchiste qui prêcherait la guerre contre Dieu à tout prix aiderait en fait les clercs et la bourgeoisie. Le marxiste doit être un matérialiste c’est-à-dire un ennemi de l’idéalisme et donc de la religion, mais un matérialisme dialectique, c’est-à-dire envisageant la lutte contre l’idéalisme, non pas de façon spéculative, non pas sur le terrain abstrait et purement théorique d’un discours a-historique toujours identique à lui-même mais d’une façon concrète, sur le terrain de la lutte de classes réellement en cours qui éduque les masses plus que tout et mieux que tout. Le marxiste doit savoir tenir compte de l’ensemble de la situation concrète ; il doit savoir toujours trouver le point d’équilibre entre l’anarchisme et l’opportunisme (cet équilibre est relatif, souple, variable, mais il existe), ne tomber ni dans le « révolutionnarisme » abstrait, verbal et pratiquement vide de l’anarchiste, ni dans le philistinisme et l’opportunisme du petit-bourgeois ou de l’intellectuel libéral, qui redoute la lutte contre la religion, oublie la mission qui lui incombe dans ce domaine, s’accommode de la foi en Dieu, s’inspire non pas des intérêts de la lutte de classe, mais d’un mesquin et misérable petit calcul : ne pas heurter,ne pas repousser, ne pas effaroucher, d’une maxime sage entre toutes ; « Vivre et laisser vivre les autres », etc.

C’est de ce point de vue qu’il faut résoudre toutes les questions particulières touchant l’attitude de la social-démocratie envers la religion.


Jean Rostand (1894-1977)
Ce que je crois
(extraits du livre publié en 1953 chez Grasset)
jeudi 24 novembre 2005
par federation nationale
popularité : 3%

Faisant la différence "entre les téméraires qui croient qu’ils savent et les sages qui savent qu’ils croient" le célèbre biologiste expose ce à quoi il croit, même lorsque la raison suprême commanderait de "suspendre le jugement".

Partant du constat que l’homme est un animal, Jean Rostand nous livre sa vision de l’évolution de la vie et la genèse.

"D’une foule de circonstances - climatiques, biologiques et autres - dépendaient la réussite de l’homme, et si la conjoncture eût été différente, la terre, sans doute eut connu un autre roi [que l’homme]." Le progrès de la civilisation ne se transmettant pas de manière héréditaire, il met en garde la société qui se doit de le transmettre par l’éducation et l’instruction de génération en génération.

Si comme je le crois, la conscience est liée indissolublement à son substrat matériel, on ne voit guère comment quoi que ce fût de la personnalité spirituelle pourrait survivre à la de l’organe cérébral, et plus généralement de l’édifice corporel. De surcroît, la croyance en l’immortalité du moi soulève chez le biologiste de graves objections en ce qui concerne la genèse du moi. Le philosophe Ribot a pertinemment remarqué que, si les penseurs spiritualistes et les théologiens se sont beaucoup occupés de la destinée future de l’âme, ils se sont, en revanche, assez peu inquiétés de son mode de formation. Pour ma part, je ne puis faire autrement que d’identifier le « moi » psychique avec les propriétés psychiques de l’agrégat cellulaire qui constitué l’individu, propriétés qui elles mêmes découlent de celles qui préexistaient dans le germe et qui dépendaient étroitement de sa constitution génétique. Or cette constitution, elle fut déterminée, dès l’heure de la conception par une double série de hasards : hasards de la réduction chromatique, qui attribua à chaque germe parental tels chromosomes et non tels autres ; hasards de la fécondation, qu fit rencontrer tel germe maternel par tel germe paternel et non par tel autre

[…] Comment se résoudrait on à croire que la propriété de survivance, que le droit à la survie ait soudainement apparu à un certain niveau de l’échelle organique, à un certain stade de l’évolution ? Non, si l’homme est immortel, il faut que le pithécanthrope l’ait été, et que le grand singe le soit, et aussi le petit singe, et le mammifère, et le reptile, et le poisson, et toute la suite de nos ancêtres, jusqu’aux unicellulaires. Il faut que chaque cellule, que chaque microbe, que chaque virus soit doué d’une microsurvie, d’une microimmortalité. Il faut que le dernier des grumeaux de protoplasme qui assimile et se reproduit soit assuré de laisser une trace indélébile de son passage. Il faut qu’éternellement il persiste avec les particularités de sa microexistence, avec son micropassé, avec ses microsouvenirs, avec tout ce qu’il fut ce grumeau de protoplasme et non point cet autre.

Certes nous apparaissons à nos yeux comme seul digne de permanence. Nous avons le sentiment d’être le seul bibelot précieux que contienne l’immense bric-à-brac de la nature, le seul dont il serait dommage qu’on ne pût recoller les miettes après qu’il s’est cassé…Mais de quel droit revendiquerions – nous un tel régime d’exception ? et pouvons nous décemment, sérieusement penser que, dans l’immense et inépuisable nature, nous ayons plus de valeur que n’importe lequel de nos compagnons de vie ? La nature, qui n’est ni bonne ni méchante, ni maternelle ni féroce, nous donne, sur le plan des réalités visibles, le spectacle incessant de l’élimination et du renouvellement. Transitoires, éphémères, toutes ses créations : espèces, genres, familles, classes mêmes, elles les a balayés négligemment au cours des âges.

Comme l’idée d’un Conservatoire des personnes, d’un Musée des individus paraît donc contraire à son génie !