dimanche 18 octobre 2009

La crise a été provoquée par une oligarchie mondiale apatride

La crise a été provoquée par une oligarchie mondiale apatride

Malakine - blogueur associé | Samedi 17 Octobre 2009 à 14:01 | Lu 4036 fois

Jean-Michel Quatrepoint avait éclairé la crise économique dans son ouvrage « La Crise Globale ». Il revient avec « La Dernière Bulle », analyse de l'après-crise, ou plutôt de l'entre-deux crises comme nous l'explique Malakine dans cet article sur l'ouvrage.



Jean Michel Quatrepoint est journaliste économique doté d’un remarquable talent de conteur et de pédagogue. Avec lui, l’économie apparaît d’une redoutable simplicité et la crise, y compris dans ses aspects les plus financiers, se lit comme le scénario d’une série grand public dont on attend avec impatience la saison suivante.

Dans « La crise globale », sorti juste avant le déclenchement de la crise financière à l’été 2008, il faisait un état des lieux dépourvu de tout prisme idéologique, d’un monde en proie à tous les déséquilibres, en commençant par le commencement, par la réponse à la question que tout le monde se pose depuis un an : Comment on en est arrivé là ?

L’ouvrage racontait avec la hauteur de vue d’un historien, comment le système qui est entré en crise à l’été 2007 s’est mis en place à partir de la fin des années 70, comment la révolution néolibérale a engendré la financiarisation, puis la mondialisation, et enfin les déséquilibres macroéconomiques grandissant qui ne pouvaient que conduire à un cataclysme de grande ampleur.

La crise globale
proposait une description de la crise dans ses différents aspects, financière avec le Krach des subprimes, énergétique avec l’envolée des prix des hydrocarbures, alimentaire avec les émeutes de la faim et sociale avec l’accroissement indécent des inégalités. L’ouvrage se concluait cependant par une note d’optimisme. L’auteur voulait voir cette crise globale comme le terme de la première globalisation, tant il était évident qu’une page devait se tourner et un nouveau monde se reconstruire sur de nouvelles bases.

La suite, Jean Michel Quatrepoint nous l’a livre avec « La dernière bulle » sorti à la rentrée. Car contrairement à ses attentes, la crise globale n’a pas accouché d’un nouveau monde. Le système a su se sauver et perpétuer les rentes de situation dont bénéficient ceux qui l’ont mis en place. Et ces profiteurs, Jean Michel Quatrepoint n’hésite pas à les nommer : ce sont les seigneurs de la finance de Wall Street, les banksters comme il les nomme, et leur puissant lobby grâce auquel ils ont la main sur la banque centrale américaine, comme sur le congrès et la maison blanche.

L’ouvrage s’ouvre sur une description minutieuse du lobby financier et de la manière dont il a investi le système politique américain. Pourtant le nouveau président était animé des meilleures intentions et voulait sincèrement reconstruire l’économie américaine (et donc mondiale) sur de nouvelles bases. Il n’a pas pu. Le lobby était trop puissant. Il est parvenu a éviter toute nationalisation et toute réforme sérieuse des structures de la finances avant de convaincre le président de la possibilité d’une reprise économique une fois les banques sauvées. Une reprise qui doit bien évidemment s’entendre avant tout comme celle des profits, des bonus et des cours de bourse.

En reprenant les chronologie des évènements : du développement de l’endettement dans la décennie 2000 au plan de sauvetage des banques en passant par la faillite de Lehmann Brothers, l’affaire Madoff ou le G20 de Washington, Jean Michel Quatrepoint nous fait un portrait sans complaisance de la finance américaine. Il l’accuse d’avoir créé les conditions de la prochaine bulle et le prochain Krach, cette fois sur les dettes publiques qui se sont envolées avec les plans de sauvetage et de relance. Cette nouvelle bulle de dettes va donner lieu à de nouvelles activités très rémunératrices pour les banquiers. Outre la perception directe d’intérêts conséquents sur la dette publique, la finance va pouvoir continuer à se livrer à ses jeux favoris, élaboration de nouveaux produits financiers sophistiqués, nouvelles spéculations, nouvelles titrisations … jusqu’au jour où, de nouveau, la bulle explosera avec de nouvelles subprimes, ce qui conduira à une brutale remontée des taux d’intérêts qui étrangleront les Etats les plus endettés.

Ce que l’auteur nous décrit n’est ni plus, ni moins, qu’une opération de prédation à grande échelle opérée par une oligarchie mondiale apatride. Elle a commencé en s’attaquant aux travailleurs (mondialisation), elle s’est déplacée ensuite sur les ménages (bulle de l’endettement privé) Elle a désormais entrepris de vampiriser avec la complicité de la classe dirigeante avec laquelle elle est intimement liée, les Etats qui l’ont sauvé pendant la crise ! L’annonce, tombée hier, des 140 Milliards de dollars de rémunérations distribués par les banques américaines cette année ne nous dit pas autre chose.

Pour ce qui est des solutions Jean Michel Quatrepoint décevra probablement la fibre révolutionnaire des lecteurs les plus hétérodoxes. L’auteur ne propose aucune solution radicale. Pas de protectionnisme, ni européen, ni national, même s’il anticipe une mondialisation multipolaire où chaque grande zone géographique sera tentée d’utiliser son épargne, libellée dans sa monnaie, pour financer ses investissements voire consommer ses produits.

Pas d’arraisonnement non plus du système financier à la Lordon, même s’il rêve dans son dernier chapitre à un monde sans financiers. Il y propose d’organiser un démantèlement des grandes banques, de taxer les produits financiers les plus toxiques, de mettre fin aux paradis fiscaux, d’instituer un « serpent fiscal international » pour mettre fin à la sous-imposition des revenus du capital ou dans le même ordre d’idée un « serpent monétaire international » pour mettre fin à l’hégémonie de l’étalon dollar et des désordres qu’il engendre dans la mondialisation.

On remarquera que toutes ces propositions reposent sur l’hypothèse chimérique d’une gouvernance mondiale efficiente, capable de décider et de mettre en œuvre toutes ces réformes. Parions que le troisième tome du récit de la crise sera consacré à cette illusoire quête de gouvernement mondial et à son impuissance intrinsèque face aux marchés financiers et leurs lobbys

Jean Michel Quatrepoint ne s’arrête pas à ce qui risquerait d’apparaître comme des vœux pieux légitimant l’impuissance, il propose également une réaction purement nationale en soutenant de manière très enthousiaste le grand emprunt sarkozien. Il le souhaiterait dirigé vers l’épargne nationale pour financer des « dépenses d’avenir » vecteurs d’une nouvelle croissance. Il cite ainsi des dépenses d’équipement militaire, l’investissement dans l’industrie automobile de demain, le développement des énergies renouvelables, un plan de relance du logement ou la recapitalisation du Fonds Stratégique d’Investissement pour renforcer les fonds propres des PME.
Ce chapitre se conclut tout de même par une phrase en forme d’aveu d’incrédulité « Cet emprunt n’est peut-être pas la panacée, mais que ceux qui, à droite comme à gauche, ont une recette miracle lèvent la main ! »

Jean Michel Quatrepoint est manifestement plus à l’aise dans son rôle pédagogue de l’économie contemporaine et de compteur de l’histoire de la crise, que dans celui du docteur qui prescrit les bons remèdes. Néanmoins « La crise Globale » et « La dernière bulle » sont des ouvrages que l’on ne peut peut que chaudement recommander à tous ceux qui veulent s’initier avec un bon professeur aux problématiques du monde d’aujourd’hui comme par ceux qui ont besoin de remettre dans une perspective historique et globale ce qu’il ont déjà compris des désordres de la mondialisation.

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