mercredi 21 octobre 2009

Morale en baisse pour Sarkozy

Morale en baisse pour Sarkozy

Il a été élu sur l'engagement de restaurer crédibilité et morale en politique, se souvient l'hebdomadaire britannique. Mais, devant les scandales et les polémiques qui se succèdent, la promesse du président semble avoir pris du plomb dans l'aile.

16.10.2009 | The Economist






Le président français, mai 2009

Le président français, mai 2009

Sarkozy a perdu son flair

"Après deux ans et demi de pouvoir, le président français a perdu son flair", analyse la Tribune de Genève. "Son implication incompréhensible dans le procès Clearstream a transformé son ennemi Dominique de Villepin en saint Sébastien transpercé de flèches, alors qu'il voulait en faire un Judas." Puis sont venues les affaires Frédéric Mitterrand et Jean Sarkozy... "Nicolas Sarkozy n'a rien vu venir. A aucun moment, il n'a senti le vent de la polémique se lever. Enfermé dans ses certitudes égotistes, il n'entend plus les rumeurs qui grondent et qui montent."

Comme les politiciens du monde entier, Nicolas Sarkozy a fait campagne, en 2007, en promettant de redonner aux gens confiance en la politique, de mettre un terme au cynisme électoral et de mettre en place à un gouvernement “irréprochable”. Arrivé presque à mi-mandat, le président voit ses promesses tournées en dérision par une série de scandales liés au sexe et à l'argent. Ces affaires donnent l'impression de se retrouver face à un gouvernement arrogant, coupé du pouvoir législatif et indifférent à ce que pense l'opinion publique. Pour la droite politique traditionnelle, qui constitue l'ossature de l'électorat de Sarkozy, le scandale le plus grave est celui qui touche le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, qui ne fait pas mystère de son homosexualité et a reconnu avoir payé des "garçons" dans des bordels en Thaïlande [l'extrême droite a mené une campagne hargneuse contre le ministre, à partir de phrases citées hors contexte d'un récit semi-autobiographique publié par celui-ci, La Mauvaise Vie, alors que l'intéressé dément avoir utilisé les services de prostitués mineurs]. Les ministres ont tenté de balayer l'affaire d'un revers de main. Pourtant, la droite, attirée par la promesse préélectorale de Sarkozy, qui s'était engagé à restaurer la moralité dans la vie publique et à “tourner la page de Mai 68”, n'est pas la seule à avoir été choquée. La gauche aussi.

Si c'était là le seul scandale, le soufflé serait peut-être retombé. Mais il a été suivi, cette semaine, par la nouvelle que Jean Sarkozy, le fils du président, qui n'a pas encore terminé ses études, était candidat à la présidence de l'Etablissement public pour l'aménagement de la région de la Défense (EPAD), centre financier situé à l'ouest de Paris. Sur le papier, le jeune Sarkozy a franchi tous les paliers nécessaires. Il est membre du conseil général des Hauts-de-Seine, dont La Défense fait partie, et où il est également président du groupe UMP. Le poste de président de l'EPAD ne dépend pas d'une nomination présidentielle. Sarkozy fils* doit obtenir le vote du conseil général et celui du conseil d'administration. D'autres candidats peuvent se présenter. Pourtant, même si l'on s'efforce de voir les faits sous un jour positif, l'impression de népotisme reste tenace. C'est dans ce département que se trouve la banlieue chic de Neuilly, qui a permis au président de lancer sa propre carrière quand il avait une vingtaine d'années, et le conseil général est occupé par ses amis. Le président de l'EPAD a pour fonction de superviser les efforts d'une équipe de gestion qui souhaite rivaliser avec la City de Londres. Jean Sarkozy, en deuxième année de droit, a 23 ans. Le président sortant, Patrick Devedjian, en a 65 et est ministre au sein du gouvernement.

Comme si tout cela ne suffisait pas, le mois dernier, Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur et ami de longue date de Sarkozy, a été surpris en vidéo en train de se lancer dans une tirade raciste. Plaisantant avec un jeune Français d'origine maghrébine, il a déclaré : “Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes.” Hortefeux a nié que ses propos aient eu des intentions racistes. Il a gardé son poste. Pour Sarkozy, apparemment, les incidents de ce genre sont sans importance, et ils détournent l'attention des vraies questions que sont la croissance et l'emploi. Mais beaucoup de ses propres députés semblent ne pas partager son avis. Ils redoutent que les électeurs attachés aux traditions soient désorientés, voire outrés à la fois par les agissements du gouvernement et de ses amis et par la morgue avec laquelle ils s'efforcent d'ignorer les scandales.

Même ceux de ses partisans qui seraient prêts à accorder à Sarkozy le bénéfice du doute craignent que ces affaires ne compromettent sa capacité à prendre les décisions difficiles qui l'attendent. Les Français estiment toujours que leur considérable dette publique est indispensable pour soutenir les dépenses et favoriser la reprise. Le déficit budgétaire devrait atteindre 8 % du PIB en 2009. Or, inévitablement, il va falloir se poser la question d'une réduction du déficit et, éventuellement, d'une augmentation de la pression fiscale. A ce stade, le président Sarkozy ne peut guère s'offrir le luxe de voir l'opinion publique sombrer dans ce cynisme qu'il avait promis de dissiper en 2007.

* En français dans le texte.

Aucun commentaire: